Le Québec connaîtra, à moins d’un revirement inattendu en décembre, sa meilleure année en 10 ans au chapitre des mises en chantier en dépit de la crise sanitaire et du choc économique subi pendant le confinement.

La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) a publié les chiffres sur la construction résidentielle en novembre, et ils sont spectaculaires.

Le nombre de mises en chantier a augmenté de 36 % dans la province en novembre, comparativement au même mois en 2019. Il s’y est construit 5002 logements cette année, comparativement à 3665 l’an dernier. En fait, il ne s'était jamais construit 5000 logements en novembre depuis 1990, fait remarquer l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), dans un bulletin écrit expressément pour l’occasion. La hausse s’est concentrée dans les logements collectifs, qui, eux-mêmes, ont progressé de 39 %.

« La tendance nationale des mises en chantier d’habitations a augmenté en novembre, a souligné Bob Dugan, économiste en chef à la SCHL, dans un communiqué. Le nombre désaisonnalisé et annualisé de mises en chantier de logements collectifs s’est en partie redressé en novembre, après avoir connu deux baisses consécutives. Sa hausse a contrebalancé la baisse de mises en chantier de maisons individuelles et a entraîné une augmentation de la tendance globale. Les mises en chantier de logements collectifs ont été particulièrement vigoureuses à Vancouver et à Montréal en novembre. »

La région métropolitaine de recensement (RMR) de Montréal a en effet volé la vedette en novembre avec une hausse de 72 % des mises en chantier comparativement à la même période l’an dernier. Pratiquement 3100 unités sont sorties de terre le mois dernier. Du nombre, 2810 sont des logements collectifs, dont 1967 sont des unités locatives, presque trois fois plus qu’en novembre 2019.

Ailleurs, Gatineau et Trois-Rivières ont enregistré une croissance en novembre de 30 % et 18 % respectivement. A contrario, le nombre de mises en chantier dans les RMR de Québec (- 33 %), de Sherbrooke (- 27 %) et de Saguenay (- 14 %) s’est replié.

Dans l’ensemble des régions du Canada, le nombre mensuel désaisonnalisé et annualisé de mises en chantier d’habitations est passé de 215 134 en octobre à 246 033 en novembre, ce qui représente une augmentation de 14,4 %. Un nombre supérieur à 200 000 est considéré comme un niveau d’activité élevé.

Des résultats impensables au printemps

L’économiste spécialisé en immobilier résidentiel Paul Cardinal se pince presque devant ces résultats qui étaient impensables au printemps dernier, en plein confinement extrême.

« Depuis mai, il y a eu de fortes croissances dans les mises en chantier tous les mois sauf octobre. On est + 36 % pour novembre, ce qui fait qu’on est quasiment assurés d’avoir la meilleure année pour les mises en chantier depuis 10 ans, dit-il dans un entretien.

« C’est contre toute attente, insiste-t-il, avec la COVID-19 et la fermeture complète des chantiers du 24 mars au 19 avril, puis la fermeture partielle jusqu’au 11 mai. »

Après 11 mois, le nombre de mises en chantier dans les centres urbains de 10 000 habitants et plus du Québec atteint 42 415 habitations, en hausse de 5 % comparativement à la même période en 2019.

Selon l’APCHQ, tout porte à croire qu’il va se construire plus de logements locatifs en 2020 au Québec qu’en 2019, qui était déjà la meilleure année à ce chapitre depuis 1987. Dans la RMR de Montréal, de loin le plus gros marché au Québec, les mises en chantier de logements locatifs sont en hausse de 11 % après 11 mois, avec près de 14 000 logements.

Comment expliquer un tel score ? La générosité des gouvernements a fait augmenter le revenu disponible des ménages et les taux d’intérêt au plancher ont fait le reste.

Soulignons que les employés des secteurs économiques les plus touchés par les pertes d’emplois durant la pandémie (commerce de détail, services, restauration) sont plus rarement propriétaires. À l’inverse, les employés de secteurs peu touchés par les pertes d’emplois sont propriétaires dans une forte proportion.

Boules de cristal embrouillées pour 2021

Mardi était une grosse journée de données immobilières. Non seulement la SCHL dévoilait-elle les mises en chantier de novembre, mais l’Association canadienne de l’immeuble (ACI), organisation nationale regroupant les courtiers immobiliers, publiait également ses prévisions pour 2021. Le même jour, son pendant québécois, l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ), tenait son évènement annuel sur les perspectives du marché.

Les deux organisations ont d’ailleurs des vues diamétralement opposées sur ce que l’avenir nous réserve en 2021.

Ainsi, l’ACI prévoit une hausse de 13 % du nombre de reventes de propriétés existantes au Québec en 2021, avec près de 126 000 transactions, le tout s’accompagnant d’une hausse du prix moyen de près de 14 %, à 407 469 $.

L’APCIQ, quant à elle, prédit une décroissance de 11 % de l’activité sur le marché de la revente, sans doute en raison d’un manque de fournitures, les propriétés à vendre étant en forte décroissance dans plusieurs catégories et territoires géographiques. La hausse de prix se situerait autour de 5 % l’an prochain, nous a confié Charles Brant, directeur analyse de marché de l’APCIQ, avant de diriger nos questions vers le service des communications.

À noter que les médias n’ont pas été invités à assister à l’évènement Fenêtre sur le marché immobilier de l’APCIQ, contrairement à la tradition. Il a également été impossible d’avoir accès aux présentations. La responsable des communications de l’organisme ne nous a pas rappelé mardi. Un communiqué devrait paraître mercredi.