Du soleil, des palmiers et des eaux turquoise. C’est un peu l’image qu’on a des paradis fiscaux. Mais comme tout le monde rivalise pour attirer l’investissement, de plus en plus de pays sont en train de devenir des paradis fiscaux pour les entreprises.

Inaugurées par Ronald Reagan et Margaret Thatcher dans les années 1980, les réformes fiscales ayant pour but de réduire les impôts des entreprises sont toujours au programme des gouvernements plusieurs décennies plus tard.

Aux États-Unis, la réforme fiscale de l’administration Trump vient de faire passer le taux légal d’imposition des entreprises de 35 % à 21 %, une baisse de 14 points. Au Royaume-Uni, où le taux d’imposition des entreprises est déjà bas, l’ancienne première ministre Theresa May tenait mordicus à ce qu’il devienne le plus bas parmi les pays du G20, un engagement que son successeur a dû laisser tomber pour pouvoir se faire élire.

L’idée derrière ces réformes est toujours la même. En abaissant la charge fiscale des entreprises, on leur laisse plus d’argent pour investir et créer de la richesse pour tout le monde. C’est la théorie. En pratique, si la richesse se crée, et ce n’est pas toujours le cas, elle ne profite pas à tout le monde également. Les gouvernements ont la responsabilité de distribuer cette richesse avec l’argent des impôts.

Les pays se font concurrence pour attirer les entreprises sur leur sol. C’est à qui offrira le taux d’imposition le plus bas (sans parler des subventions, qui sont un autre problème).

Le résultat, c’est que le taux légal d’imposition des entreprises est en baisse partout dans le monde. Le taux moyen est passé de 28,6 % en 2000 à 21,4 % en 2018, selon les chiffres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) concernant 94 pays. Et c’est parmi les 37 pays membres de l’OCDE que la baisse a été la plus importante. Le taux moyen d’imposition des entreprises dans les pays de l’OCDE est passé de 32,2 % en 2000 à 23,7 % en 2018.

On parle ici d’impôt. Les gouvernements reçoivent d’autres contributions de la part des entreprises, comme les charges sociales et les taxes foncières. Dans certains pays, comme le Canada, les entreprises paient aussi un impôt provincial.

Mais tous les gouvernements offrent aussi différents programmes pour réduire la facture fiscale des entreprises. Ces programmes prennent toutes sortes de formes : amortissement accéléré ou crédits d’impôt pour l’investissement ou la recherche-développement.

C’est une pratique qui se répand. Un exemple : en 2000, 19 des 36 pays membres de l’OCDE offraient aux entreprises un crédit d’impôt pour la recherche-développement. En 2018, c’était 30 sur 36.

En résumé, les taux d’imposition diminuent et les programmes d’aide aux entreprises se multiplient.

Le régime fiscal d’un pays s’applique seulement sur son territoire et aux entreprises qui y sont installées. Les entreprises de la nouvelle économie comme Amazon, Google et les autres peuvent encore plus facilement échapper à l’impôt. Elles encaissent des profits générés dans tous les pays, mais peuvent les déclarer là où le régime fiscal est le plus favorable.

Compte tenu de l’importance croissante de l’économie numérique, l’idée d’une entente entre les pays pour que tous puissent recevoir la part d’impôt qui leur revient commence à faire son chemin.

L’OCDE propose d’ailleurs une façon d’y parvenir en obligeant ces entreprises à payer de l’impôt là où elles ont des activités significatives plutôt que seulement là où elles ont une présence physique, et en établissant un impôt minimum qui serait le même partout (la proposition évoque 12,5 %).

Si ce plan était mis en œuvre, les revenus provenant de l’impôt des entreprises numériques pourraient générer jusqu’à 100 milliards US supplémentaires par année pour les gouvernements, a calculé l’OCDE.

Ce n’est pas rien, au moment où les pays accumulent des déficits monstrueux, qu’il faudra bien finir par payer un jour.

Plutôt que de reprocher aux entreprises de l’ancienne ou de la nouvelle économie de profiter en toute légalité des avantages fiscaux qui leur sont offerts, il faudrait se demander pourquoi les gouvernements continuent de vouloir réduire le fardeau fiscal des entreprises.

Quand c’est rendu que de plus en plus de milliardaires se plaignent de ne pas payer assez d’impôt, c’est un signe qu’on est allés trop loin dans cette direction.