(Québec) Le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, n’a pas ménagé Nemaska Lithium – qui se trouve en processus de restructuration légale –, qualifiant l’ancienne structure financière de « patente à gosse » qui n’a pas marché.

L’État québécois, sous le gouvernement libéral, a investi au total 130 millions dans ladite « patente à gosse ».

« C’est un dossier qui est très, très triste, qui me chagrine », a lancé le ministre de l’Économie lors de l’étude des crédits, jeudi à Québec. Il était alors interrogé par le député du Parti québécois Martin Ouellet, qui cherchait à faire le point sur le projet de Nemaska Lithium, dans lequel Investissement Québec avait injecté 80 millions en capital-actions.

« Nous détenons 80 millions dans une patente qui ne marche pas. Je suis très déçu de ça […], c’est un projet qui était très, très mal ficelé », a-t-il poursuivi, illustrant que chaque Québécois détenait l’équivalent de 10 $ dans cette entreprise. « Le write-off [qu’on a fait chez Investissement Québec], il a fait mal au cœur », a-t-il ajouté. L’État québécois a en outre avancé 50 millions à Nemaska.

Nemaska Lithium, qui s’est placé à l’abri de ses créanciers le 23 décembre 2019, veut exploiter une mine de lithium à la baie James et une usine de transformation à Shawinigan, projet pour lequel la société avait déjà récolté 1,1 milliard CAN.

« J’ai découvert qu’il y avait des actionnaires, Softbank, pour ne pas le nommer, qui étaient [actionnaires] au même titre que nous, mais eux avaient 20 % de la production qu’ils pouvaient acheter à escompte. En plus, il y avait un financier américain, qui s’appelle Orion, qui, lui, avait 5000 tonnes de carbonate de lithium qu’il achetait à 60 % d’escompte sur le prix : c’est une patente à gosse », a tranché le ministre.

« On s’est ramassés le 23 décembre 2019. L’arbre de Noël a disjoncté, plus de lumières. Triste, très triste », a-t-il continué, appuyant sur ses mots.

Pas le seul sauveur

Nemaska Lithium a obtenu de la Cour supérieure du Québec un nouveau délai pour prolonger la date limite des propositions au 4 septembre prochain. L’entreprise est à la recherche d’investisseurs qui lui permettraient de poursuivre son projet minier, dont le coût a augmenté en cours de route. En septembre 2019, le projet de Nemaska faisait face à des dépassements de coûts de 375 millions CAN.

À l’automne 2019, alors que l’entreprise vivait des difficultés financières, le ministre Fitzgibbon avait clairement évoqué son intention de « la sauver ».

Jeudi, il a prévenu que le gouvernement ne pouvait pas être le seul dans l’aventure. « Là, il y a 1 milliard qui manque dans la patente pour la finir, la mine et l’usine […]. Si on garde la structure actuelle […], il n’y a personne qui va investir », estime le ministre, qui a aussi dit « espérer se tromper ».

« Est-ce que le gouvernement va mettre 1 milliard parce qu’on est les seuls à rester ? La réponse c’est non », a-t-il indiqué citant l’exemple du Cirque du Soleil.

Au même titre que je l’ai dit pour le Cirque, à 1,3 milliard, je n’étais pas intéressé non plus. Le gouvernement est rigoureux.

Pierre Fitzgibbon

Le ministre Fitzgibbon a rappelé que le processus était « judiciarisé » et qu’il n’était pas en mesure de fournir des réponses pour la suite des choses, interrogé notamment à propos du sort des plus petits actionnaires de l’entreprise, dont des milliers de Québécois

Selon le rapport du syndic responsable de la restructuration de Nemaska Lithium, 13 groupes ou entreprises ont manifesté de l’intérêt et 8 d’entre eux ont été jugés qualifiés pour soumettre une offre.

Plan « plus macro »

Pierre Fitzgibbon affirme continuer de croire au potentiel du lithium et caresse le souhait de développer plus largement la filière « batterie » au Québec, a-t-il indiqué en commission. Il estime qu’il faudrait entre « 7 à 8 milliards » pour la développer au Québec. « On ne peut pas faire ça seuls », a soutenu M. Fitzgibbon.

Il a évoqué le fonds Pallinghurt, qui avait d’abord été approché dans le contexte des difficultés de Nemaska. Il n’y a finalement pas eu d’entente. « Ils sont un partenaire, comme d’autres, qui veulent travailler avec nous sur ce plan plus macro », a-t-il dit.

Un mandat a aussi été confié à la firme McKinsey pour accompagner le gouvernement dans ses démarches. « L’élément de vente au Québec, c’est : cobalt, nickel, graphite et lithium […]. Je ne pense pas que Tesla va venir faire des chars au Québec, mais je pense qu’on peut se rendre loin dans la chaîne », a-t-il illustré.

Devant l’appétit des partis de l’opposition sur le sujet, le ministre Fitzgibbon s’est engagé à détailler son plan sur la filière « batterie » possiblement lorsque le sort de Nemaska Lithium sera tranché par les tribunaux. L’objectif sera de convertir les métaux pour se rapprocher de la production de batterie.