L’Association des employeurs maritimes souhaite que 477 conteneurs bougent au port de Montréal, avec ou sans syndiqués. À défaut d’une trêve, le syndicat répond avec un appel aux grandes centrales à venir renforcer ses lignes de piquetage.

« On a décidé, dans mon langage à moi, de faire une passe sur la palette au syndicat et de dire : écoutez, on voudrait qu’on travaille ensemble, mais si vous n’êtes pas à l’aise, on vous avise qu’on va travailler avec des travailleurs de remplacement ou des gestionnaires », a formulé mercredi le président de l’Association des employeurs maritimes (AEM), Martin Tessier.

« Ce n’est pas une passe sur la palette que tu me fais, tu m’invites à un dîner de cons », lui a répondu une heure plus tard Michel Murray, conseiller syndical pour le Syndicat des débardeurs du port de Montréal, pendant la conférence de presse qui répliquait à celle de l’employeur.

Lors d’une mise au point sur les négociations à l’occasion de la 10e journée de grève des débardeurs du port de Montréal, l’AEM a dit souhaiter « une entente négociée pour s’assurer qu’aucune partie prenante n’est prise en otage, et ça passe par une trêve avec obligation de résultat, qui peut prendre plusieurs formes ».

Au début de la semaine, l’AEM a demandé au Syndicat des débardeurs du port de Montréal de manutentionner, malgré la grève, 477 conteneurs sur les 11 500 immobilisés ainsi que des cargaisons de boulettes de fer et de sucre en vrac. « De la marchandise importante, contrôlée, qui n’est pas nécessairement toute reliée à la pandémie, mais qui est importante pour la santé du public et l’économie du Québec et de l’est du Canada », a expliqué Martin Tessier.

Dans une lettre aux syndiqués, l’AEM « a expliqué qu’on préférait que ce soit eux qui bougent le cargo, au lieu que ça soit des cadres, ou des travailleurs de remplacement », a informé son président. « On voudrait l’éviter, mais si on n’a pas le choix de le faire, on va être obligés de le faire au cours des prochains jours. »

La réponse

À ce qu’il a perçu comme une menace, le syndicat avait répondu avec une proposition de trêve de 60 jours, durant laquelle les parties suspendraient leurs moyens de pression et tous les travailleurs seraient réinstallés dans leur fonction, y compris les 27 qui ont été mêlés à une échauffourée le 29 juillet dernier.

Entre-temps, le syndicat se dit prêt à déplacer dès demain ceux des 477 conteneurs qui répondent à la décision rendue en juin dernier par le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) sur les services essentiels, aussitôt que l’AEM aura apporté la preuve de leur contenu.

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Plus de 11 000 conteneurs sont immobilisés au port de Montréal.

« S’il y a quatre conteneurs de parfum Coco Channel qui sont dus pour le Québec, les quatre conteneurs vont rester sur le terminal », a illustré Michel Murray.

Pas question non plus de déplacer quelque boulettes de fer ou grains de sucre. Avec sa décision, le CCRI a « considéré que les boulettes de fer n’étaient pas un élément alimentaire essentiel pour la santé et la sécurité de la population canadienne », a ironisé le président du syndicat.

Travailleurs de remplacement ou briseurs de grève ?

Michel Murray a souligné que les travailleurs de remplacement autorisés par le Code du travail « sont uniquement les employés cadres à l’emploi de la compagnie lorsqu’on a envoyé notre avis de négociation en septembre 2018 ».

Pour prévenir l’intrusion de ceux qu’il perçoit comme des briseurs de grève, le Syndicat des débardeurs a demandé aux grandes centrales syndicales de venir en renfort dès jeudi.

« L’appel a déjà été fait à la FTQ, qui nous envoie le maximum de gens possible pour nourrir nos lignes de piquetage et s’assurer qu’il n’y ait pas une arrivée massive sous escorte policière de travailleurs de remplacement. »

Selon le Secrétariat du travail (Le Code du travail en questions et réponses), « le Code du travail permet à un employeur d’embaucher du personnel de remplacement uniquement afin de s’assurer que des biens, comme des matières périssables ou de l’équipement de production, ne seront pas perdus ou gravement détériorés ».

S’entendre sur la nature des désaccords

L’AEM se dit prête à une trêve, dans la mesure où elle est assortie d’une « obligation de résultat ». « Il a été question d’arbitrage de différends, mais ça peut être d’autres outils », a indiqué Martin Tessier, sans plus de précisions.

Les deux parties ne voient pas cette trêve du même œil. Le syndicat a proposé que si la trêve atteignait son terme sans résolution, seuls les articles en litige, choisis d’un commun accord, seraient soumis à l’arbitrage. « L’employeur dit : non, ce n’est pas d’un commun accord, c’est obligatoire si on ne s’entend pas au bout de 60 jours », résume Michel Murray.

Il craint que l’employeur ne négocie pas de bonne foi durant la trêve, pour ensuite soumettre l’ensemble des conditions de travail à l’arbitrage.