L’American Primary Aluminum Association (APAA), qui est à l’origine des tarifs imposés par l’administration américaine sur l’aluminium, regroupe seulement deux producteurs, Century Aluminum et Magnitude 7 Metals, dont les installations sont vieillissantes et battent de l’aile depuis longtemps.

Leurs prétentions sur l’augmentation des importations canadiennes d’aluminium sont largement contestées, y compris par la firme américaine Moody’s. Explications.

Century et Glencore

Century Aluminum, entreprise établie à Chicago, exploite trois alumineries sur le sol américain, au Kentucky (2) et en Caroline du Sud (1), et une autre en Islande.

L’entreprise, dont les actions se négocient au NASDAQ, menace de fermer une des alumineries, celle de Mount Holly, en Caroline du Sud, si elle n’obtient pas un meilleur prix pour l’énergie de la part des autorités municipales. L’usine emploie 310 personnes.

La multinationale Glencore, dont le siège social est en Suisse, est le principal actionnaire de Century avec 47 % de ses actions. Glencore, connue au Canada comme propriétaire de la mine Raglan dans le nord du Québec, ne produit pas d’aluminium, mais en transige sur le marché international. Les tarifs américains, qui font augmenter le prix de l’aluminium, ont donc un effet à la hausse à la fois sur ses profits comme actionnaire de Century et sur ses marges de négociant.

Magnitude 7 Metals

Le deuxième membre de l’APAA est une aluminerie du Missouri qui avait été fermée par Noranda et qui a repris ses activités en 2018, après avoir conclu un contrat d’approvisionnement en énergie à prix avantageux. Les tarifs imposés par l’administration Trump sur l’aluminium canadien en 2018 l’avaient aussi aidée à redémarrer les activités de l’usine, qui emploie 400 personnes.

Avant la pandémie, en février, le principal dirigeant de l’entreprise, Charles Reali, avait dit à Reuters que les pertes s’accumulaient à un rythme tel qu’une fermeture prochaine des installations était envisagée.

Un secteur moribond

Century et Magnitude sont deux des trois fabricants d’aluminium primaire encore en activité aux États-Unis. Le troisième est Alcoa, qui a des installations de production des deux côtés de la frontière. Les États-Unis ont déjà compté plus de 20 alumineries, qui ont fermé les unes après les autres en raison surtout de la hausse du coût de l’énergie.

Les usines qui restent sont vieillissantes et nécessiteraient des investissements importants pour redevenir compétitives. La moyenne d’âge des usines américaines est d’environ 55 ans, contre 30 au Canada, selon le président de l’Association canadienne de l’aluminium, Jean Simard.

La production d’aluminium s’est déplacée vers la Russie, la Chine et le Canada.

Actuellement, la production d’aluminium sur le sol américain est d’environ 1 million de tonnes par année, alors que les besoins du secteur de la fabrication aux États-Unis sont de 6 millions de tonnes annuellement. Le Canada, surtout le Québec, est le principal fournisseur d’aluminium des États-Unis.

À 120 contre 2

L’Association américaine de l’aluminium, qui regroupe Alcoa et les entreprises qui transforment le métal en produits de toutes sortes, s’oppose à l’imposition de tarifs sur l’aluminium canadien. Le regroupement est formé de 120 entreprises, qui emploient les deux tiers de toute la main-d’œuvre du secteur de l’aluminium aux États-Unis.

Contrairement à Century et à Magnitude, l’Association américaine de l’aluminium affirme que les importations d’aluminium en provenance du Canada sont en baisse de 5 % depuis le début de l’année 2020 comparativement à la même période de 2017, avant l’imposition des premiers tarifs par l’administration Trump.

La firme Moody’s leur donne raison. Dans une note récente, l’économiste Brendan Meighan rappelle que les statistiques commerciales américaines indiquent que les importations d’aluminium en provenance du Canada pour la première moitié de l’année sont près du seuil le plus bas des cinq dernières années.

Des perdants des deux bords

Selon Moody’s, l’imposition de tarifs sur l’aluminium canadien ne peut pas être justifiée par la préservation des emplois aux États-Unis, puisque 86 % des 58 000 employés du secteur de l’aluminium sont dans le secteur de la transformation du métal, dont les coûts augmenteront à cause de la décision de l’administration Trump.

En plus de ces emplois fragilisés par les tarifs, les consommateurs paieront plus cher pour les produits contenant de l’aluminium qu’ils achètent. Et pas seulement les consommateurs américains, puisque les Canadiens achètent des produits fabriqués aux États-Unis avec de l’aluminium canadien.

Un exemple : les canettes de bière en aluminium, qui sont fabriquées aux États-Unis avec de l’aluminium canadien, coûteront plus cher aux brasseurs du Canada et, par le fait même, aux buveurs de bière de ce côté-ci de la frontière.