Presque deux ans après la fin de négociations laborieuses, le nouvel accord commercial entre le Canada, les États-Unis et le Mexique entre finalement en vigueur ce mercredi. L’entente réussira-t-elle à pacifier les relations entre les trois partenaires ? Il faut l’espérer, parce qu’elle aura seulement un impact modeste sur la croissance économique, selon l’Institut CD Howe.

« Mieux que pas d’accord du tout, mais pas meilleur que le précédent. » C’est la conclusion à laquelle arrive le chercheur Dan Ciuriak, de l’Institut CD Howe, après avoir comparé les études sur l’impact de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique réalisées par les gouvernements canadien et américain, de même que par le Fonds monétaire international, avec ses propres estimations.

En fait, la nouvelle entente aura pour effet de réduire légèrement le taux de croissance du produit intérieur brut du Canada, des États-Unis et du Mexique, estime cette étude publiée mardi.

Le chercheur note que depuis la négociation du traité, le monde a changé. L’économie est basée sur l’information et l’utilisation des données, un aspect complètement absent des dispositions de l’accord.

Le monde a aussi changé en raison de la crise du coronavirus. Certains de ces changements seront permanents, selon lui, comme la volonté de sécuriser les chaînes d’approvisionnement nationales, ce qui pourrait s’avérer positif pour les économies des trois pays.

Quatre appellations, une nouvelle réalité

Le successeur de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) est connu sous trois appellations différentes dans les trois pays signataires. Il a même quatre noms, si on tient compte de la version utilisée au Québec, soit l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), la traduction française du nom officiel au Canada, Canada–United States–Mexico Agreement (CUSMA). Aux États-Unis, c’est l’USMCA, pour United States–Mexico–Canada Agreement et le Mexique l’appelle T-MEC, pour Tratado entre México, Estados Unidos y Canadá.

Dans toutes ces appellations, il y a une absence remarquable : le terme libre-échange, qui faisait partie des deux premières versions de l’entente, a disparu, ce qui reflète la nouvelle réalité des relations commerciales.

La guerre de 30 ans

Il n’y a jamais eu de libre-échange entre le Canada et les États-Unis dans le secteur du bois d’œuvre, où une nouvelle guerre de tarifs bat son plein. Les exportations canadiennes de bois de construction par les États-Unis sont frappées depuis janvier 2018 de droits punitifs moyen atteignant 20,23 %, ce qui touche un millier d’entreprises. Il s’agit du cinquième litige sur la question du bois d’œuvre entre les deux pays. En attendant les résultats de la contestation menée par le gouvernement canadien en vertu du mécanisme de règlement des différends qui fait encore partie de la nouvelle version de l’ALENA, le gouvernement américain a perçu près de 4 milliards en taxes auprès des entreprises canadiennes (dont presque 1 milliard au Québec), une somme qui est conservée en fiducie en attendant le règlement du litige.

Des menaces sur l’aluminium

La conclusion d’un nouvel accord commercial n’a pas empêché l’administration américaine d’imposer des tarifs sur l’acier et l’aluminium en provenance du Canada pour des motifs de sécurité nationale. Le Canada, et une bonne partie de l’industrie américaine, ont contesté ces tarifs et une entente y a mis fin en mai 2019. La menace vient de réapparaître, parce que deux producteurs d’aluminium américains, Century et Magnitude, ont dénoncé une augmentation des importations d’aluminium canadien.

Avec un chômage à la hausse et à l’approche de l’élection présidentielle de novembre, le débat pourrait s’envenimer. Malgré l’accord tout frais qui entre en vigueur aujourd’hui, le Canada n’est pas à l’abri de nouveaux tarifs sur l’acier et l’aluminium qui seraient imposés par les États-Unis en invoquant la sécurité nationale, selon le porte-parole de l’Association canadienne de l’aluminium, Jean Simard.

Poursuites et représailles

Le Québec, qui produit 85 % de l’aluminium au Canada, a beaucoup à perdre dans ce litige. « Ça nous ferait très mal et j’ai demandé au gouvernement fédéral d’être très ferme avec les Américains », a dit mardi le premier ministre François Legault Legault lors de son point de presse.

Le premier ministre du Québec voudrait qu’Ottawa taxe à son tour les produits américains, si des droits sont perçus sur les exportations canadiennes d’aluminium. Le représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer, a menacé le Canada de poursuites s’il ne laisse pas plus de place aux produits laitiers américains, comme le prévoit la nouvelle mouture de l’entente commerciale.

Crise du coronavirus, récession et protectionnisme, tout un début pour l’ACEUM.