En raison de leur ouverture tardive, les pourvoiries ont réduit de 50 % leurs achats de poissons d’ensemencement. Résultat : les pisciculteurs – dont les entreprises sont en péril – se retrouvent avec des surplus qui pourraient causer la mort d’une grande quantité de poissons, nuire aux productions futures et, du coup, avoir un impact sur les saisons de pêche à venir, ont-ils déclaré au cours d’un point de presse jeudi.

Christian Poirier, propriétaire du Domaine piscicole des Appalaches, a perdu au moins 100 000 $ en raison d’une quantité importante de poissons invendus. Il évalue environ à 20 tonnes ses surplus de truites mouchetées. « Ils vont mourir, dit-il d’un ton désespéré. On a atteint un point de saturation. » L’homme qui en est à sa deuxième année d’opérations souligne avoir investi des « sommes colossales » dans son entreprise. « En ce moment, c’est une bataille de tous les jours. »

« Ce qui me fait de plus en plus peur, c’est que, en étant obligés de garder nos poissons dans les bassins d’élevage, on va avoir des problèmes avec les cohortes de poissons à venir qui vont permettre la production pour les années 2021 et même jusqu’à 2022 », a déclaré le président de Pisciculture de la Jacques Cartier inc., Pierre East, au cours d’un point de presse jeudi, tenu en compagnie des représentants de l’Union des producteurs agricoles (UPA) et Table filière en aquaculture d’eau douce du Québec. M. East estime avoir un surplus d’inventaires de l’ordre de 30 % à 40 %. L’industrie de la pêche en pourvoirie à des retombées annuelles de plus de 100 millions de dollars. On compte une soixantaine d’aquaculteurs au Québec.

Normalement, dans les pourvoiries, la haute saison se déroule pendant les mois de mai et juin, souligne Marc Plourde, président directeur général de la Fédération des pourvoiries du Québec. Or, cette année, les établissements n’ont ouvert qu’à la mi-juin.

Après avoir lancé un appel à l’aide la semaine dernière à la ministre fédérale de l’Agriculture et l’Agroalimentaire, Marie-Claude Bibeau, les éleveurs de poissons, appuyés par l’UPA, se tournent maintenant vers le gouvernement provincial pour que celui-ci leur donne un coup de pouce financier permettant d’ensemencer les surplus – environ 200 tonnes – dans les cours d’eau publics. Un projet évalué à 2 millions de dollars.

« Ça permet aux entreprises de libérer le poisson qui est en surplus. Ce poisson-là devient un bien public, dont les pêcheurs pourront profiter, résume Marcel Groleau, président de l’UPA. Ce n’est pas une perte. C’est un investissement du gouvernement dans la société qui permet d’aider ces entreprises-là. »

« Nous sommes très sensibles à la situation des pisciculteurs qui subissent les effets des changements dans les habitudes de la population en lien avec la pandémie, a déclaré Laurence Voyzelle, porte-parole du ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, André Lamontagne. Notre gouvernement est en discussion constante avec l’Association des aquaculteurs du Québec et le gouvernement fédéral afin de jeter les bases d’une intervention additionnelle qui serait partagée entre les différents paliers. »