Elles étaient ravies : leur passage à l’émission Dans l’œil du dragon allait lancer pour de bon leur foulard avec cheveux intégrés pour les femmes atteintes de cancer. Mais entre l’enregistrement et la diffusion, l’arrivée de la COVID-19 a rendu caduque leur stratégie de distribution dans les salons de coiffure, fermés entre-temps. Maux de tête…

Dominique Van Winden travaillait à son idée depuis cinq ans et son passage à l’émission Dans l’œil du dragon allait lui donner une visibilité inespérée.

Par contraste, son produit visait pourtant la discrétion : un foulard ou un bonnet d’où émerge une mèche de cheveux d’apparence naturelle, pour couvrir la tête des femmes en traitement de cancer.

L’idée lui en était venue lorsque la grand-mère de ses enfants avait été touchée par la maladie. « Elle m’avait demandé de l’aider à trouver quelque chose pour lui couvrir le crâne. J’ai découvert que pour ces femmes, c’était très compliqué, et que les produits disponibles étaient très dispendieux. »

Coiffeuse depuis 26 ans, Dominique Van Winden est propriétaire d’un salon de coiffure à Napierville.

« C’est là que mon métier est entré en ligne de compte : je me suis dit qu’il fallait qu’il y ait des cheveux là-dedans », raconte-t-elle.

Une tante, ancienne couturière, s’est attaquée avec elle au problème.

« Ça nous a pris deux bonnes années d’essais et erreurs », poursuit Dominique Van Winden, « tout ça en étant la maman de trois enfants et propriétaire de mon salon de coiffure, avec des employés ».

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Le foulard SiBelle a d’abord été distribué sur l’internet, à très petite échelle.

Le foulard SiBelle a d’abord été distribué sur l’internet, à très petite échelle. Jusqu’à ce que Dominique Van Winden donne à Fanie St-Onge, conseillère en marketing, le mandat de revoir son image de marque et sa stratégie de commercialisation, en 2018.

« On a transformé le modèle pour développer des salons partenaires », explique celle-ci.

La vente en ligne a été éliminée, pour concentrer l’énergie sur la création d’un réseau de coiffeuses qui non seulement distribueraient le foulard, mais aussi assureraient son ajustement, en donnant aux cheveux rapportés une coupe appropriée au visage.

Passionnée par l’aventure, touchée par la mission, Fanie a rapidement proposé à Dominique de se joindre à SiBelle. Les deux femmes de tête étaient dorénavant de mèche.

Elles entrent dans l’antre

Le lancement de cette nouvelle approche se conjuguerait avec une participation à l’émission des dragons. Après une soigneuse préparation, l’enregistrement de leur présentation a eu lieu à la fin de février dernier.

Cependant, tous les participants ne se retrouvent pas en ondes… « Habituellement, les dragons avisent l’entreprise une semaine avant la diffusion si elle a été retenue, signale Dominique Van Winden. Mais la COVID-19 est arrivée et Radio-Canada a décidé de nous avertir trois semaines à l’avance pour nous permettre de nous préparer. »

La diffusion aurait lieu le 29 avril. Hélas, les salons qu’elles voulaient intéresser étaient dorénavant fermés.

« On n’avait plus aucun point de vente physique qui pouvait vendre notre produit et on allait avoir une très belle visibilité à Radio-Canada dans trois semaines », décrit la coiffeuse entrepreneure.

Il y avait de quoi s’arracher les cheveux.

La solution : faire demi-tour vers la vente directe aux clientes. « On a fait un virage à 360 et on a développé une boutique en ligne », raconte Fanie St-Onge, avec un enthousiasme qui lui fait prendre 180 degrés de trop.

Avec le confinement, il était toutefois impossible d’engager un photographe et un mannequin. « Nos photos ont été prises à la main chez Dominique… »

Avec des enfants au travers, je faisais l’école à la maison. Ma cuisine était devenue un studio de photographie !

Fanie St-Onge

Autre obstacle, leur modèle d’affaires original voulait que les mèches de cheveux soient coupées et adaptées aux clientes par les coiffeuses des salons participants. Dominique a mis au point quelques coupes préliminaires que les clientes pourraient adapter sans trop de difficulté… si elles étaient bien guidées. « Il a fallu faire des tutoriels », ajoute Dominique. « Même si je ne voulais pas nécessairement que mon visage apparaisse, je n’avais pas le choix, il a fallu que je passe au plan B, et que je sois de front dans cet ajustement. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Dominique Van Winden a mis au point quelques coupes préliminaires que les clientes pourraient adapter sans trop de difficulté

Son associée, pendant ce temps, préparait une offensive sur Facebook et sur Instagram.

En trois semaines, le site était en ligne, prêt pour la diffusion du 29 avril.

Un autre virage

Après la diffusion, les deux associées capillaires ont progressé sur deux fronts : elles ont concrétisé des ventes en ligne quotidiennement, et près de 80 salons ont signalé leur intérêt.

Mais à la mi-mai, on ignorait encore quand ces établissements pourraient rouvrir et il était difficile de concrétiser les ententes. « Pour eux aussi, on a fait tout un virage », poursuit Fanie St-Onge.

Elle leur a offert de créer pour chacun un microsite de vente en ligne, sur lequel, outre les foulards et articles de SiBelle, ils pourraient offrir leurs propres produits. « Nous pouvons donc les aider à prendre eux aussi un virage, parce qu’on ne sait pas s’il va y avoir une deuxième vague », fait valoir Mme St-Onge.

Une quarantaine d’ententes ont été signées avec des salons répartis un peu partout au Québec. Les foulards et les bandeaux qui portent les mèches sont fabriqués par une entreprise de Longueuil. Les cheveux naturels sont achetés en Chine.

« On entre dans notre deuxième production dans deux semaines », indique Fanie.

Vous vous le demandiez, sans doute : la dragonne « Isabèle Chevalier a accepté notre offre de 10 % pour 30 000 $ d’investissement », nous apprend Dominique.