Beaucoup de travailleurs dans le monde viennent de découvrir le télétravail et nombreux sont ceux qui en vantent les mérites. Mais tout le monde n’est pas du même avis, à commencer par les Japonais.

Le pays aurait pourtant de bonnes raisons d’adopter le télétravail, ne serait-ce que pour éviter les longues heures de transport que doivent subir les employés de la capitale chaque jour. Tout le monde a déjà vu les images de trains bondés à l’heure de pointe remplis de passagers poussés à l’intérieur avec des pilons pour permettre la fermeture des portes.

Bien avant la pandémie, le gouvernement japonais avait commencé à encourager les entreprises à permettre le télétravail. Avec bien peu de succès, il faut le dire. Seulement 10 % des travailleurs japonais disaient travailler de la maison avant le début de la crise.

Ce nombre a augmenté quand le pays a déclaré l’état d’urgence, surtout chez les grandes entreprises. Hitachi, par exemple, a indiqué au Japan Times que 70 % de ses employés avaient travaillé à distance pendant la durée de l’état d’urgence à Tokyo, qui a pris fin le 25 mai.

Dans l’ensemble du pays, c’est un tout autre portrait. Un sondage mené le 22 mars auprès de 20 000 répondants indiquait que 13 % seulement des Japonais télétravaillaient. À titre de comparaison, un sondage de Statistique Canada mené à la même période indiquait que 40 % des Canadiens travaillaient à distance.

Pas si technos

Les raisons invoquées par ceux qui ont continué de se rendre au travail peuvent surprendre. L’entreprise ne permet pas le télétravail, ont dit la moitié d’entre eux, et la technologie n’est pas adaptée au travail à distance, a dit l’autre moitié. Dans un pays où les robots et les gadgets technologiques abondent, il est surprenant de constater combien les milieux de travail fonctionnent encore de façon archaïque.

Pour mieux faire face à la prochaine crise, Keidanren, la puissante organisation qui est un peu le Conseil du patronat japonais, réclame d’ailleurs des incitatifs fiscaux pour aider les entreprises à acheter des portables, des tablettes et des téléphones intelligents pour les employés.

Les Japonais ne sont pas aussi technos qu’on le croit, donc. Ils ont aussi un rapport particulier avec leur travail, qui est infiniment important dans leur vie. La société change, et de plus en plus de femmes japonaises travaillent à l’extérieur du foyer et partagent les tâches ménagères avec leur conjoint. Mais les milieux de travail restent majoritairement mâles et caractérisés par de longues journées au bureau suivies de longues soirées au bar avec les collègues.

Les maris japonais passent très peu de temps à la maison et la perspective d’y rester 24 heures sur 24 avec femme et enfants, dans un espace restreint, ne leur sourit guère. Ce n’est pas le genre de chose qu’on dit à un sondeur, mais c’est certainement une réalité qui empêche le télétravail de se développer au Japon.

L’ingéniosité japonaise est toutefois venue au secours des travailleurs chassés du bureau par la pandémie. Des cabines de travail se sont multipliées un peu partout à Tokyo depuis le début de la crise. Installées sur le quai des gares et même dans les quartiers résidentiels, elles s’avèrent très populaires pour les employés qui veulent continuer de travailler tranquilles.

Il suffit de réserver en ligne le cubicule de 1,2 m2, qui comprend un bureau, une chaise, l’électricité et la climatisation. Le petit espace est insonorisé et désinfecté entre chaque occupant.

Des hôteliers y ont aussi vu une occasion d’affaires. Ils offrent leurs chambres désertées à bon prix aux travailleurs qui veulent s’y installer pour travailler. Il y a toujours une solution pour s’échapper du foyer. Surtout au Japon.