(Londres) Le fabricant de moteurs d’avion britannique Rolls-Royce va supprimer au moins 9000 postes pour faire face à une crise « sans précédent » à cause de l’effondrement du trafic aérien provoquée par la pandémie de coronavirus.

Les suppressions envisagées représentent 17 % d’une main-d’œuvre totale de 52 000 personnes. Elles toucheront essentiellement les activités d’aviation civile, un peu de fonctions administratives, mais pas la branche défense.

Il « faudra plusieurs années pour que le marché de l’aéronautique commercial retrouve ses niveaux d’il y a quelques mois », justifie le groupe.  

« Nos clients dans l’aviation et l’aéronautique doivent s’adapter et nous aussi », affirme Warren East, le directeur général, cité dans le communiqué.

Selon lui, « les gouvernements font ce qu’ils peuvent pour soutenir les entreprises à court terme, mais […] ils ne peuvent remplacer de façon durable la demande de clients qui n’existe » plus.

Rolls-Royce précise que sa restructuration « majeure » accompagnée de réductions de coûts « dans les usines et les actifs, les capitaux et les (frais) indirects » devrait au total permettre d’économiser 1,3 milliard de livres (1,45 milliard d’euros), dont 700 millions viendront des licenciements. Le groupe avait notamment déjà annulé le versement d’un dividende.

Depuis 2018, le motoriste avait déjà réduit sa main-d’œuvre de 4600 personnes, essentiellement dans l’administratif.  

Rolls-Royce avait réduit sa perte nette en 2019 grâce à de meilleures performances commerciales, malgré les coûteux problèmes sur ses moteurs d’avion Trent 1000 qui plombaient ses comptes depuis plusieurs années, mais la crise sanitaire lui porte un nouveau coup frontal.

Le secteur de l’aérien est l’un des plus touchés par les retombées de la pandémie de coronavirus et des mesures de confinement et restrictions des déplacements mises en place pour freiner sa propagation.

Au Royaume-Uni et en Irlande, les compagnies aériennes British Airways, Virgin Atlantic et Ryanair entre autres ont déjà annoncé des milliers de suppressions d’emplois.

Par ailleurs, le ministre britannique des Transports Grant Shapps a indiqué au Parlement lundi que 43 500 personnes avaient été mises au chômage technique dans l’aviation au Royaume-Uni à cause de la crise du coronavirus, et 2600 dans les aéroports.

« Opportunisme honteux »

« Supprimer autant de postes sera en soi un gros effort, coûtera des centaines de millions de livres et pourrait s’accompagner de perturbations politiques vu que les activités aérospatiales sont essentiellement basées au Royaume-Uni », remarque Russ Mould, directeur des investissements chez AJ Bell.

En outre, si le secteur de l’aviation se reprend, devoir recruter et former beaucoup de gens d’un coup pourrait freiner le groupe, ajoute-t-il.

Mais « pour le moment, Rolls-Royce n’a pas le luxe de pouvoir regarder bien loin, il doit rester en vol en pleine tempête », conclut M. Mould.

Les syndicats ont vivement réagi à l’annonce du plan social à venir : Unite a fustigé « un opportunisme honteux ».

« Nous allons rencontrer la direction dans les jours à venir pour les convaincre d’adopter une approche différente et allons faire pression sur le gouvernement pour qu’il intervienne et protège la base industrielle » du pays, ajoute le syndicat dans un communiqué.

« Il faut envoyer un signal clair selon lequel il est possible de repositionner le Royaume-Uni » sur le marché industriel mondial.

« Sans un tel plan, beaucoup d’entreprises vont mettre à la porte beaucoup d’autres gens et le chômage de masse, des familles brisées et des communautés dévastées deviendront la sombre réalité », avertit Unite.

L’association sectorielle ADS a pour sa part appelé le gouvernement à « être à la pointe de la réouverture internationale de l’aviation, mettre en place des aides publiques supplémentaires pour le développement de nouvelles technologies à faibles émissions de carbone, lancer des programmes majeurs de défense et d’aérospatiale », entre autres.

Début mars, le motoriste américain General Electric avait déjà annoncé qu’il allait supprimer 10 000 emplois dans sa division d’aviation à cause des ravages provoqués par le coronavirus sur le trafic aérien.