Les producteurs de veau du Québec sont durement éprouvés par les mesures de confinement liées à la pandémie de COVID-19.

Ils vivent des moments très difficiles financièrement alors que les coupes les plus raffinées, traditionnellement offertes dans le milieu de la restauration, pourraient facilement se retrouver dans les assiettes des Québécois, à bon marché, selon eux.

« Le fait que les hôtels et les restaurants soient fermés fait en sorte que les pièces qui étaient destinées à la restauration sont invendues, faute de les retrouver dans les épiceries et les boucheries », a expliqué Pierre-Luc Nadeau, un important producteur de veau de lait de la Beauce en entrevue à La Presse canadienne, samedi.

Ce dernier, dont la ferme familiale Deaunier compte 800 bêtes, à Saint-Isidore, estime que c’est environ 60 % de la production de veau de lait et de veau de grain du Québec qui est normalement destiné au marché des hôtels, restaurants et institutions (HRI).

De leur côté, les producteurs de veau du Québec reconnaissent qu’une grande partie de la production annuelle de veau du Québec, qui est normalement destinée au secteur de la restauration, est congelée en attendant un certain « retour à la normale ». Ils déplorent d’ailleurs l’espace limité accordé pour leurs produits locaux à l’épicerie tandis que les distributeurs ont une très grande diversité de produits à offrir pour les tablettes des supermarchés.

Alors, comment expliquer que les consommateurs québécois ne profitent pas des meilleurs produits du veau du Québec au rabais, comme la côte française, le filet mignon de veau ou la bavette de veau ?

M. Nadeau croit que d’une part c’est parce que les consommateurs n’avaient pas déjà l’habitude de l’apprêter chez soi.

« C’est abordable. Je pense que c’est juste une question de connaissance du produit et de comment l’apprêter, mais il y a des tutoriels sur l’internet et des recettes sur le site veau du Québec », explique le producteur de veau beauceron.

D’autre part, il croit que c’est aussi aux commerçants de l’offrir, surtout dans un contexte de promotion d’achats locaux pour stimuler l’économie du Québec en temps de pandémie.

« Je pense qu’il y a moyen que ce soit fait. Le problème c’est que le consommateur n’a pas l’option de l’acheter parce que le produit n’est pas disponible », affirme Pierre-Luc Nadeau.

« Le consommateur en mangeait au restaurant. Je ne vois pas pourquoi le consommateur arrête soudainement de manger cette viande-là. À moins que ce ne soit pas accessible à l’épicerie ou en boucherie », dit-il.

Comme d’autres qui travaillent dans l’industrie, M. Nadeau lance un « cri du cœur » pour inciter les consommateurs québécois à demander ces produits de veau du Québec chez leur marchand.

« Demandez-le le produit ! Vous le connaissez. Vous le mangez en restaurant. Cuisinez-le chez vous », lance-t-il en espérant qu’une demande des consommateurs fasse bouger les choses.

Il croit que tant les consommateurs que les supermarchés peuvent y trouver leur compte en raison de l’offre élevée qui fait baisser les prix.

Depuis deux mois, le veau qui n’est pas vendu se retrouve au congélateur, mais cette solution temporaire ne permet pas aux producteurs de couvrir leurs frais. Certains sont même au bord du gouffre financièrement, selon les Producteurs de veau du Québec.

Le Québec compte plus de 300 fermes familiales qui élèvent près de 100 % du veau de lait et 60 % du veau de grain du Canada, selon les données fournies par les Producteurs de bovins du Québec.

« Et 95 % de la transformation et de l’abattage se font au Québec », souligne M. Nadeau fièrement en indiquant qu’il s’agit d’un produit qui fait travailler des Québécois à plusieurs maillons de la chaîne alimentaire.

Son appel sera-t-il entendu ? Entre-temps, les produits du veau continuent de s’accumuler dans les congélateurs, en espérant trouver preneur dans un avenir pas trop lointain.

« On peut ralentir l’entrée à l’élevage, donc des veaux qui seront disponibles cet automne. Ceux qui sont déjà en élevage, on peut étirer un peu la durée, mais il y a une limite [en raison de normes de qualité à respecter] sinon on se rapproche du bœuf et là on change de catégorie », résume le producteur.