Alors que les grands transporteurs aériens ont cloué l’essentiel de leur flotte au sol et déjà annoncé leur intention de réduire celle-ci, Nolinor nage à contre-courant. L’entreprise de Mirabel vient d’acquérir trois appareils, plus grands que ceux qu’elle détenait déjà, et a des rêves pour l’après-COVID-19.

« Chaque matin, quand on entre au bureau, on voit la flotte de Transat clouée au sol, c’est sûr que c’est stressant de se dire que nous, on investit », confie Marco Prud’homme, président de Nolinor, dont le siège social est situé à quelques mètres de la piste 11-29 de l’aéroport de Mirabel, actuellement occupée par de nombreux appareils stationnés pendant la crise.

Son entreprise vient d’acquérir trois Boeing 737-400 qui viendront compléter sa flotte comprenant actuellement 10 appareils 737-200 et un 737-300. Bâtis dans les années 90, ces nouveaux appareils pourront accueillir 158 passagers, comparativement aux 120 des plus petits modèles. Ils auront aussi une plus longue portée, seront plus économiques et mieux équipés.

L’entreprise a beaucoup fait parler d’elle au cours des derniers jours en raison de son implication dans la venue à Mirabel du plus grand avion au monde, l’Antonov AN-225. Elle travaille d’ailleurs à organiser une deuxième visite, d’ici à la fin du mois.

Auparavant, c’est avec beaucoup plus de discrétion qu’elle utilisait sa flotte pour approvisionner en cargo des destinations du Grand Nord, transporter des employés vers des sites miniers éloignés ou encore mener des équipes sportives comme les Alouettes ou l’Impact à destination.

Nouveau modèle

La crise du 737 MAX l’a projetée à l’avant-plan l’été dernier. Privée de ses appareils MAX interdits de vol, Sunwing a fait appel à elle pour desservir toute sa clientèle à partir de Toronto. Elle a aussi effectué des vols de rapatriement au début de la crise de la COVID-19.

La plus grande capacité des nouveaux appareils sera mieux adaptée à ces remplacements. Le rayon d’action étendu aussi.

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Marco Prud’homme, président de Nolinor

« On va être capables facilement de faire Montréal-Cuba ou même le Mexique directement », explique M. Prud’homme.

L’expérience de l’été dernier a semblé faire germer une idée chez Nolinor, une nouvelle vision du marché qui, y espère-t-on, se matérialisera à la reprise.

« On a une vision que le marché va changer. Il y a des gens qui sont des voyagistes qui se sont équipés d’aéronefs, mais on n’est pas convaincus que leur force est d’opérer des aéronefs. Eux, ils sont bons dans la vente. On a démontré l’été dernier qu’on pouvait bien faire et être à l’heure. Les voyagistes, ce n’est pas leur force d’être à l’heure et surtout pas de contrôler leurs coûts. On a eu des discussions avec certains groupes pour voir leur intérêt, et jusqu’à présent, ça se déroule bien. »

Bon temps pour acheter

La solidité du secteur aérien est durement mise à l’épreuve ces jours-ci. La demande pour les vols commerciaux a chuté de plus de 90 %, voire 95 %, dans l’essentiel des marchés. Les temps ne sont pas aussi durs pour Nolinor.

« Nous, on sait qu’on va passer au travers de cette crise-là », affirme M. Prud’homme, qui attribue cette solidité à une stratégie de croissance constante et disciplinée.

« Il y en a qui grossissent très vite en louant des avions, mais quand le marché va mal, ils se retrouvent à n’avoir aucune équité derrière eux. »

Pour Nolinor, la crise actuelle a constitué une belle occasion d’achat. D’abord, les taux d’intérêt sont très bas. Ensuite, ses trois nouveaux appareils ont été négociés juste avant la crise, à un moment où les prix avaient déjà commencé à baisser en raison du retour anticipé des 737 MAX dans le marché. La crise a ensuite facilité l’opération de mise à niveau.

« Puisqu’on est tombés en pleine crise, plusieurs fournisseurs sont prêts à faire des deals assez intéressants », constate M. Prud’homme. C’est le cas notamment d’un fournisseur européen de sièges. Les trois appareils seront équipés de sièges tout neufs plus de 50 % plus légers que les sièges moyens.