L’ébénisterie Héritage de Saint-Jean-sur-Richelieu utilisera une méthode futuriste pour rassurer sa cinquantaine d’employés qui reviennent au travail ce lundi. Tous passeront devant une caméra thermique qui prendra leur température à distance à un degré de précision de 0,3 °C et l’associera à leur photo déjà enregistrée.

S’il semble faire de la fièvre, l’employé verra une lumière blanche s’allumer, et un SMS sera envoyé au service des ressources humaines, qui le rencontrera pour déterminer s’il s’agit d’un cas plausible de COVID-19, ou simplement d’une hausse de température ponctuelle.

« Les gens qui sont inquiets de retourner au travail, pour eux et pour leur famille, vont être plus enclins à accepter ce genre de technologie, estime Sébastien Massicotte, PDG de IN-RGY, la firme montréalaise derrière cette technologie. D’autres entreprises à qui j’ai parlé vont avoir une infirmière pour prendre la température des employés, une autre embauche des gardiens de sécurité pour s’assurer que tout le monde se lave les mains. C’est très… manuel. Et coûteux. »

À la différence de l’épicerie IGA qui a récemment suscité la controverse avec une installation de ce type pour ses clients, les employés d’Héritage ont tous au préalable signifié leur approbation pour cette méthode de détection, précise Jean-Pierre Massicotte, copropriétaire et vice-président chez Héritage. Les données recueillies sont conservées dans l’entreprise. « Ça fait sept semaines qu’on entend parler 20 heures par jour de situations difficiles. L’anxiété des employés a monté de plusieurs crans, ils sont contents de voir que leur employeur a pris ce genre de mesures. »

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Combiner les expertises

IN-RGY, fondée en 2008 par Thierry Bodson et Sébastien Massicotte, est spécialisée en implantation de plateformes de gestion des ressources humaines, notamment pour la paie et la gestion des horaires, utilisées par quelque 150 entreprises, dont Vidéotron, la Société de transport de Montréal et Transat. Depuis 2016, l’entreprise compte une filière automatisation et intelligence artificielle, INVOKE. La combinaison de ces deux expertises a donné naissance à ce système, qui est testé pour la première fois à Saint-Jean-sur-Richelieu.

On a utilisé une caméra thermique déjà sur le marché, qu’on trouve pour un coût variant entre 15 000 et 30 000 $, précise M. Massicotte. Le système offert par IN-RGY se veut indépendant de la caméra et peut être adapté à un système de surveillance existant. Il peut même associer cartes magnétiques, caméra thermique et personnes, plutôt que la reconnaissance faciale, pour faire le lien entre la température et la fiche de l’employé.

L’objectif, sincèrement, c’est d’aider la relance économique, la relance manufacturière.

Sébastien Massicotte, PDG d’IN-RGY

M. Massicotte affirme être en « discussions sérieuses » avec deux autres entreprises de quelque 400 employés qui envisageraient d’installer ce système. « On en a d’abord choisi une d’une soixantaine, c’était plus facile à gérer. Notre objectif, c’est d’aller chercher 10 clients pilotes qui auront accès à notre solution gratuitement. »

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Quarts remodelés

Le choix d’Héritage, à Saint-Jean-sur-Richelieu, ne doit rien au hasard : le vice-président de l’ébénisterie, Jean-Pierre Massicotte, est le frère du PDG d’IN-RGY. C’est dans son bureau qu’est installé le moniteur sur lequel il verra défiler les employés scannés avec leur température. Qu’arrivera-t-il précisément si l’un d’entre eux affiche une température qui déclenche une alerte – établie ici à 38 °C ?

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« On va faire un deuxième test 15 minutes après, demander à l’employé s’il a d’autres symptômes, de la toux, une perte d’odorat, tout ce que la CNESST [Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail] recommande », explique Jean-Pierre Massicotte. Il admet qu’il y a un certain flou autour de ce qu’il faut faire avec un employé qui affiche une température élevée. « On suit ce que la CNESST indique, mais ce n’est pas très clair. S’il n’a que de la fièvre, il doit porter un masque. Heureusement, il y a beaucoup d’espace chez nous, entre trois et quatre mètres pour chaque poste de travail. »

Les quarts de travail ont également été remodelés pour éviter que tous les employés entrent, prennent leur pause et dînent en même temps ; 80 % des réguliers ont déjà annoncé leur retour, précise-t-il.

« Notre grosse contrainte, en ce moment, c’est tout le problème des garderies. Il faut faire avec. Mais on a beaucoup de projets à produire, tout dépend de la vitesse à laquelle les entrepreneurs généraux vont pouvoir repartir. »