L’appel à l’achat local semble avoir retenti jusque dans les succursales de la Société des alcools du Québec. Depuis le début du mois d’avril, les ventes de vins québécois offerts sur les tablettes des magasins de la société d’État ont augmenté de 60 % par rapport à la même période l’an dernier, a appris La Presse. Les spiritueux d’ici ont quant à eux connu une hausse de 79 %. Une situation qualifiée d’« exceptionnelle » par la SAQ.

« [En ce moment], on fait des ventes aussi intéressantes qu’à Noël », affirme Francis-Hugues Lavoie, directeur des opérations du Domaine de Lavoie, à Rougemont. À titre indicatif, la période des Fêtes correspond normalement à 25 % de ses ventes totales pour l’année. Ses vins – un blanc et un rouge – se retrouvent dans plus de 240 succursales sur un total de 409. M. Lavoie y écoule annuellement entre 12 000 et 15 000 bouteilles.

Bien qu’il soit trop tôt pour se prononcer avec certitude, le producteur croit qu’il pourrait connaître sa meilleure année de ventes à la SAQ.

Même situation du côté du Vignoble de l’Orpailleur, où l’on croit que le domaine connaîtra son année la plus lucrative en succursale. Le vignoble a enregistré une augmentation de 23 % de ses ventes.

Avec une pareille hausse, Yvan Quirion, du Domaine St-Jacques, craint même de ne pas être en mesure de fournir la société d’État en vin blanc jusqu’à la fin de l’année. Ses produits se retrouvent dans une centaine de succursales. « Je commence à être inquiet, dit-il avec un sourire dans la voix. Les ventes vont très, très bien. Ça part tout de suite, c’est vraiment impressionnant. »

« Une augmentation de 60 %, c’est énorme ! ajoute Louis Denault, nouveau président du Conseil des vins du Québec, également copropriétaire du Vignoble Sainte-Pétronille, sur l’île d’Orléans. On ne s’attendait pas à ça. »

« C’est sûr que c’est une très bonne nouvelle, même si on est tristes pour ce qui se passe avec nos collègues des bars et des restaurants », ajoute Jean-François Cloutier, président de l’Association des microdistilleries du Québec et propriétaire de la Distillerie du St. Laurent, à Rimouski, connue pour ses gins.

Achat local et promotion

À quoi peut-on attribuer cet engouement pour les produits d’ici ? « Je crois que les consommateurs ont répondu à l’appel du premier ministre », avance Linda Bouchard, porte-parole de la SAQ.

Depuis le début de la crise de la COVID-19, François Legault ne cesse de faire la promotion de l’achat local et de l’autosuffisance alimentaire. Et au cours du dernier mois, la SAQ a multiplié les efforts pour promouvoir les produits québécois, ajoute Mme Bouchard.

« On a mis un bandeau bleu [annonçant les vins, les cidres et les spiritueux d’ici] sur la page d’accueil de saq.com. On a aussi demandé aux succursales de regrouper les vins et les spiritueux du Québec. »

L’objectif de cette opération est de permettre aux consommateurs de mieux voir les produits et d’éviter qu’ils passent du temps à se promener partout en magasin, pandémie oblige. Et dans son infolettre hebdomadaire, la SAQ fait de plus en plus la promotion de ce qui se fait dans la province. « Les produits du Québec sont plus surprenants que jamais », pouvait-on lire dans celle envoyée jeudi. Il a toutefois été impossible de connaître les meilleurs vendeurs.

Le Conseil des vins du Québec applaudit toutes ces initiatives. « On essaie d’augmenter la variété de produits à la SAQ, mentionne son président. On veut y faire entrer le plus de membres possible. » Les tablettes accueillent actuellement les bouteilles de 30 vignerons.

Un baume

Ce succès en SAQ est en quelque sorte un baume pour Charles-Henri de Coussergues, cofondateur du Vignoble de l’Orpailleur. Avec la fermeture temporaire des salles à manger des restaurants, plusieurs producteurs, dont M. de Coussergues, enregistrent des pertes de revenus. L’Orpailleur produit 300 000 bouteilles par année, dont 25 % étaient destinées aux caves à vin des restaurants.

Ses produits se trouvaient notamment sur la carte des 75 restaurants St-Hubert. Ils s’apprêtaient à faire prochainement leur entrée dans toutes les succursales de La Cage – Brasserie sportive.

« C’est un revenu important qu’on vient de perde, admet Charles-Henri de Coussergues. Il y a plusieurs restaurants qui ne rouvriront pas. »