Ce qui se passe actuellement sur le marché du pétrole n’est pas nouveau. C’est une illustration parfaite du principe de l’offre et de la demande.

Avec les mesures de confinement qui paralysent la moitié de la planète, les avions ne volent pas, les voitures ne roulent pas, et les usines ne fonctionnent pas. La consommation de pétrole a chuté brusquement alors que l’offre continuait d’augmenter. Ce déséquilibre se produit régulièrement, mais ce qui est tout à fait inédit, ce sont la rapidité et l’ampleur du phénomène : les surplus risquent de s’accumuler trop vite et d’être trop importants pour les capacités de stockage existantes.

Une capacité limitée

Il existe de multiples façons de stocker du pétrole. Les producteurs de pétrole, les raffineurs et les grands consommateurs ont des capacités de stockage, et ce, partout dans le monde. Mais les plus importantes installations de stockage du continent nord-américain sont à Cushing, en Oklahoma, où se négocient les contrats à terme pour le brut de référence américain, le West Texas Intermediate. Depuis le début de la pandémie, les prix baissent et les réservoirs de Cushing se remplissent, au point où le marché craint maintenant qu’ils ne suffiront pas à absorber les surplus de pétrole qui s’accumulent.

Selon le département américain de l’Énergie, la capacité d’entreposage de Cushing est de 76 millions de barils, et il y aurait actuellement 55 millions de barils de stockés.

À l’échelle internationale, les capacités de stockage sont estimées à 1,2 milliard de barils par IHS Markit.

La production mondiale de pétrole est d’environ 100 millions de barils par jour et selon les plus récentes estimations, la consommation a baissé de 30 % depuis le début de la crise.

Un marché particulier

La panique qui s’est emparée du marché, hier, s’explique par la fin du contrat à terme du mois de mai. Les négociateurs spécialisés du marché du pétrole n’en achètent jamais vraiment, ils servent d’intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs et ne restent pas pris avec du pétrole à la fin d’un contrat à terme. Mais les surplus actuels sont tellement considérables et la demande est tellement inexistante qu’ils sont dans l’obligation d’en prendre livraison s’ils ne trouvent pas d’acheteurs ou de capacité d’entreposage.

Pour le moment, le problème des prix négatifs concerne uniquement le contrat à terme du mois de mai, et seulement le WTI. Le WTI pour livraison en juin se négociait à 22,27 $ US le baril en fin de journée hier. Le prix du Brent, le brut de référence partout ailleurs dans le monde, est moins affecté. Il a fini à journée à 27,00 $ US le baril hier.

Des bateaux à la rescousse

L’inquiétude au sujet des capacités limitées d’entreposage est généralisée. Si la crise se prolonge, les surplus pourraient continuer à s’accumuler, à moins d’une réduction importante de la capacité de production de l’Arabie saoudite, de la Russie et d’autres producteurs importants.

L’entente qui vient d’intervenir avec l’Arabie saoudite, qui porte sur une réduction de 10 millions de barils par jour, pourrait s’avérer insuffisante pour rééquilibrer le marché.

C’est pourquoi des négociateurs et des producteurs se tournent vers les tankers, quand ils en ont la possibilité. Ces énormes navires servent d’entrepôts flottants pour le brut en surplus. La demande pour les VLCC (pour very large crude carriers) a explosé depuis un mois. Selon Forbes, les tarifs pratiqués ont augmenté de 678 % durant la même période et il en coûte 175 000 $ US par jour pour attendre que les acheteurs reviennent et que les prix remontent.