Il n’y a pas très longtemps, je mentionnais devant un groupe d’entrepreneurs le privilège que nous avions d’évoluer dans le milieu du divertissement. Rien de plus stimulant que de parcourir la planète avec l’objectif d’améliorer l’expérience client dans les parcs d’attractions, les grands événements ou encore les stations de ski. Vous imaginez la chance ? Notre technologie était utilisée par plus de 10 millions de personnes de par le monde et notre quotidien impliquait de participer aux Jeux olympiques de Tokyo ou encore de se rendre en Norvège chez notre client Lund Gruppen.

Les deux derniers mois furent un vrai revirement de situation. Notre industrie qui, en 2018, selon le Conseil du patronat, contribuait à 13 milliards de dollars à l’économie du Québec, est aujourd’hui complètement sur pause et dans une situation précaire. Des retombées que le Québec ne verra pas cet été car le gouvernement du Québec a annoncé le 10 avril l’annulation des festivals et événements culturels jusqu’au 31 août. Imaginez la catastrophe pour les centaines d’entreprises et les milliers d’employés ! Lorsque ton modèle d’affaires est de rassembler les gens, le contraire aurait été surprenant.

Comme jamais auparavant, tous les acteurs de l’une industrie tentent de se réinventer.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Notre industrie, ce sont aussi des retombées économiques importantes. Le Festival de jazz de Montréal, selon Tourisme Québec, avait par exemple des retombées de près de 50 millions.

Avant la crise, l’industrie du divertissement était souvent présentée comme un pilier de l’économie au Québec et était citée en exemple par le gouvernement pour sa créativité et son innovation. Le Cirque du Soleil, qui en est aujourd’hui à se demander s’il devra faire faillite, avait ouvert le chemin de notre industrie. Zú, l’incubateur de Guy Laliberté, au conseil duquel j’ai la chance de siéger, avait été lancé pour accélérer les initiatives de l’industrie. Moment Factory rayonnait de par le monde et Triotech développait des attractions utilisées par 25 millions de personnes.

Aujourd’hui, l’industrie du divertissement semble oubliée. Bon, on va se le dire, ce n’est pas le temps de s’amuser, et même si je crois que pour notre santé psychologique, le divertissement est essentiel, je comprends très bien que ce n’est pas la priorité.

Ma déception est simplement de voir à quel point l’industrie créative du Québec semble être oubliée.

Que ce soit par les programmes gouvernementaux, qui sont principalement basés sur une économie traditionnelle et qui ne s’appliquent donc pas à des entreprises saisonnières, ou encore dans le cas des annonces sur la position du gouvernement sur l’avenir de cette industrie et la manière dont elle pourra contribuer à la reprise.

En effet, la plupart des entreprises du secteur ne peuvent pas espérer la subvention de 75 % offerte par le gouvernement fédéral. Elles doivent donc prendre la déchirante décision de laisser partir la majorité, voire la totalité de leurs employés. Dans notre industrie, nous investissons presque sans aucun revenu de janvier à mai dans le but de créer des expériences inoubliables en juin, juillet et août, notre haute saison. Nos revenus d’aujourd’hui sont semblables : presque rien. La différence, c’est que cela se poursuivra même après le confinement.

Notre industrie, c’est aussi des retombées économiques importantes. Le Festival de jazz de Montréal, selon Tourisme Québec, avait par exemple des retombées de près de 50 millions. C’est un écosystème complexe, qui comprend hôteliers, restaurateurs, taxis, entreprises touristiques et plusieurs autres qui en profitent aussi.

Pour répondre à la question « Comment je vois le futur de l’industrie du divertissement ? », je préfère diviser le futur en deux étapes : le futur immédiat et le futur à long terme. Les prochains mois seront très difficiles pour notre industrie, qui rassemble parfois des dizaines de personnes, parfois des dizaines de milliers. Le premier ministre François Legault parle de plusieurs mois de distanciation sociale. Les événements à grand déploiement seront donc impossibles durant cette période. Pour la majorité des entreprises de l’industrie, cela se traduira par un avenir des plus obscurs si rien n’est fait, sans aide du gouvernement. Devrions-nous virtualiser les événements ? Pourquoi pas ?

Par contre, le désir de nous rassembler pour des événements, de socialiser avec d’autres personnes est inscrit dans notre ADN. La virtualisation des événements pourrait aider durant quelques mois, mais ce n’est pas viable à long terme. De plus, cette réinvention nécessite une aide financière massive des gouvernements, aide qui pour l’instant est inexistante. Être entourés de gens qui leur ressemblent est vital pour un grand nombre de personnes. C’est ce besoin que comble notre industrie, en plus de contribuer à l’économie.

Tout n’est pas noir cependant pour l’avenir à long terme de notre industrie. Virtualisation des événements à court terme et aide gouvernementale pour préparer le long terme donneraient de l’espoir aux entrepreneurs et à nos milliers d’employés partout au Québec. Baser l’évaluation des entreprises pour la subvention de 75 % sur une année plutôt que sur un mois serait déjà un grand pas. Je vois un avenir prometteur pour notre industrie. Passons cette turbulence tous et toutes ensemble et je vous promets que le monde entier verra de quoi le Québec est capable.