La pandémie a réussi à terrasser à peu près toute l’activité économique au pays et à générer une pénurie inquiétante de produits médicaux et d’hygiène publique de première nécessité. La crise sanitaire n’a toutefois pas réussi à décourager bon nombre de nos entreprises à se mobiliser pour travailler sans relâche à trouver et fabriquer des équipements et des outils de rechange qui vont permettre de passer à travers cette épreuve planétaire.

Masques N95, masques chirurgicaux, visières médicales, combinaisons et blouses de protection, ventilateurs, respirateurs artificiels, désinfectant pour les mains, certaines catégories de médicaments – notamment la morphine, les sédatifs et le curare – sont des produits devenus d’autant plus rares qu’ils sont consommés à grande échelle par les armées de travailleurs qui s’acharnent jour et nuit à enrayer la propagation du coronavirus.

Depuis le début de la crise et les premiers appels à l’aide de nos politiciens, la pénurie de ces différents produits fait régulièrement les manchettes. Et on a tous constaté avec un effroi certain que l’on n’était plus maîtres de notre destin et qu’on est plutôt devenus totalement dépendants de fournisseurs tout aussi lointains qu’incertains.

Remarquez, on est loin d’être les seuls dans cette situation. La pénurie appréhendée de respirateurs artificiels aux États-Unis a amené Donald Trump à ordonner aux géants de l’automobile d’adapter leur chaîne de montage à leur fabrication immédiate.

Les difficultés d’approvisionnement de la France en masques N95 ont forcé le président Macron à investir 6 milliards de dollars dans la construction d’usines françaises qui vont fabriquer leurs propres masques de protection plutôt que de dépendre de fournisseurs asiatiques incapables de fournir tout le monde. Il ne s’agit donc pas ici de faire un exercice d’autoflagellation.

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Depuis le début de la crise, l’entreprise Orkan maintient la cadence de production même si elle doit fonctionner avec moins d’employés pour respecter les normes de santé publique.

Mais au-delà du simple et évident constat qu’il faudra dorénavant viser à une bien plus grande autosuffisance nationale et organiser des chaînes d’approvisionnement beaucoup plus locales, je trouve tout aussi inspirant qu’instructif de voir la grande mobilisation des entreprises qui s’est faite au Québec pour répondre aux besoins urgents que commande la crise actuelle.

Une mobilisation virale pour nos jeunes distilleries, qui ont décidé de transformer temporairement leur production de gin pour fabriquer du désinfectant à mains et créer une véritable nouvelle eau bénite pour les commerces qui sont restés ouverts au public.

Une mobilisation virale pour des groupes aussi différents que le détaillant de vêtements Tristan ou l’équipementier de hockey Bauer, qui ont entrepris de fabriquer des visières médicales en plastique pour les travailleurs de la santé de première ligne.

Une mobilisation virale qui a amené plus d’une dizaine d’entreprises du secteur du techno-textile à fabriquer la matière première en vue de la production de plus de 200 000 blouses de protection par semaine, qui sera réalisée sous la supervision du groupe Logistik Unicorp et de ses sous-traitants québécois.

Des équipements pour respirer

Il y a des équipements dont la rupture de stock allait être évidente dès le début de la crise. C’est le cas des respirateurs artificiels, dont la pénurie en Italie a engendré des situations horribles lorsque des médecins ont eu à choisir quels malades allaient en profiter prioritairement.

On le sait, les ingénieurs de CAE, le fabricant de simulateurs de vol de Saint-Laurent, ont mis sur pied en 11 jours seulement un prototype de respirateur artificiel qui a été officiellement retenu mardi par le gouvernement fédéral. CAE devient l’un des trois fournisseurs canadiens du gouvernement qui devront produire 30 000 appareils d’ici trois mois.

PHOTO FOURNIE PAR CAE

Les ingénieurs de CAE ont mis sur pied, en 11 jours seulement, un prototype de respirateur artificiel qui a été officiellement retenu mardi par le gouvernement fédéral.

Un groupe de 75 employés s’active depuis lundi à la fabrication de ces appareils qui vont être homologués parallèlement durant leur assemblage par Santé Canada.

« C’est une première. Les gens de Santé Canada sont dans l’usine et participent à l’assemblage. On a une centaine de composantes qui sont toutes fabriquées par des fournisseurs canadiens. Au plus fort de la production, on va rembaucher 100 employés de plus à l’usine », m’explique Pascal Grenier, vice-président, Exploitation, Technologies et Innovations à CAE.

Si des entreprises se sont mobilisées pour créer rapidement de nouveaux produits afin de répondre à la crise de la COVID-19, il y en a d’autres comme Industrie Orkan qui doivent redoubler d’efforts pour répondre à la demande tellement leurs produits sont d’une urgente nécessité.

L’entreprise de Saint-Hubert fabrique des purificateurs d’air pour le secteur résidentiel sous le nom Epurair, mais offre aussi une version plus costaude qui permet de transformer une chambre d’hôpital ordinaire en chambre d’isolation en pression négative.

Depuis le début de la crise, Orkan maintient la cadence de production même si elle doit fonctionner avec moins d’employés pour respecter les normes de santé publique.

« On produit sept jours sur sept, douze heures par jour avec la moitié des effectifs. Les commandes n’arrêtent pas. Beaucoup de CHSLD veulent s’équiper de chambres de confinement pour mieux soigner leurs patients tout en protégeant leur personnel », note Simon Labrecque, PDG et cofondateur avec son frère Daniel d’Industrie Orkan.

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Daniel et Simon Labrecque, copropriétaires de l’entreprise Orkan, qui fabrique des échangeurs d’air

La semaine dernière, l’entreprise a livré 200 systèmes et prévoit en livrer autant cette semaine. La France vient de lui passer une commande pour 50 appareils.

« On a fait affaire avec l’armée française pour équiper ses tentes en Afrique pour lutter contre le virus Ebola. Là, on équipe les tentes que l’armée installe en France pour soigner les gens atteints de la COVID-19 », explique Simon Labrecque.

C’est à Shanghai, il y a deux ans, que j’ai fait la connaissance du PDG et découvert son entreprise qui venait tout juste d’ouvrir un bureau en Chine pour desservir cet immense marché.

« Durant la crise, on a livré beaucoup de nos purificateurs en Chine, mais on a dû arrêter parce qu’il n’y avait plus moyen de les acheminer lorsque les frontières ont été fermées », souligne l’entrepreneur. Ce qui a été une bonne chose puisque l’entreprise a été mieux en mesure de servir ses clients québécois et canadiens et prévoit bien continuer de le faire tant qu’on aura besoin de mieux respirer…