Fermeture des chantiers, arrêt des visites de propriétés à vendre, certains bureaux de notaires fermés : la mise sur pause du secteur de l’immobilier désorganise des milliers de familles qui devaient déménager dans les prochaines semaines.

Ils devaient s’installer dans leur maison neuve, à Laval, le 6 avril. Mais la plomberie n’est pas terminée, il manque les portes, et les travaux sur tous les chantiers sont maintenant arrêtés, par ordre du gouvernement.

Marilyne Bélisle, qui attend son deuxième enfant pour la fin de mai, est angoissée de ne pas pouvoir emménager dans son nouveau foyer à la date prévue, avec son conjoint et leur fils de 2 ans.

« Nous sommes dans un appartement temporaire, tous les accessoires pour le nouveau bébé sont entreposés dans un conteneur, témoigne la jeune mère. C’est très stressant, cette incertitude. Et on ne sait pas combien de temps ça va durer. »

Heureusement, le couple ne se retrouvera pas à la rue : il peut demeurer dans le condo loué par le promoteur immobilier jusqu’à la livraison de la maison.

Mais tous n’ont pas cette chance. Plusieurs acheteurs de maisons neuves qui devaient emménager dans les prochains jours ou les prochaines semaines sont en plein désarroi.

Magasinage de logis sur la glace

Inquiétude, aussi, pour ceux qui cherchent une nouvelle propriété, alors que le Québec est en pleine saison de magasinage de nouveaux logis.

Les visites de propriétés à vendre sont proscrites depuis minuit mardi. Et le gouvernement déconseille les visites de logements à louer, afin d’éviter la propagation de la COVID-19.

Cela pose tout un casse-tête à ceux qui doivent quitter un appartement ou qui ont vendu leur maison, et qui doivent trouver un nouveau logis, dans un contexte de pénurie de logements.

« Je veux quitter mon appartement, qui est beaucoup trop bruyant pour le prix que je paie, témoigne Mathieu Tremblay, de Longueuil. Je pensais acheter, mais il n’y a plus de visites de maisons. Pourtant, les ventes continuent : un courtier m’a dit qu’il avait des offres d’achat pour une propriété que personne n’a visitée ! Comment peut-on investir une si grosse somme sans une visite ? »

Lui-même devra cependant accepter que son logement soit visité.

Mon propriétaire ne fait preuve d’aucune flexibilité, il m’a dit qu’il allait commencer les visites pour relouer mon logement le 1er avril, et que je n’ai qu’à me tenir à plus d’un mètre des visiteurs quand ils viendront.

Mathieu Tremblay

Certains propriétaires d’appartements à louer ont décidé d’offrir des visites virtuelles, pour éviter les déplacements, mais tous ne semblent pas s’adapter de la même façon.

Sylvie Lévesque, elle, devra se résigner à squatter le logement de sa fille et de son gendre : son duplex est vendu à partir du 1er avril, mais le condo neuf où elle devait s’installer n’est pas terminé, et les ouvriers sont contraints par le gouvernement de ranger leurs outils.

« J’ai réussi à trouver un entrepôt où remiser mes meubles, et j’ai un endroit où m’installer temporairement, dit-elle. Mais je peux imaginer que ça sera beaucoup plus compliqué pour certaines personnes qui n’ont pas de famille, et peu de moyens. »

Les notaires : service essentiel

Une grande incertitude planait sur les transactions immobilières qui doivent se conclure dans les prochaines semaines, puisque les notaires n’avaient, au départ, pas été autorisés à laisser leurs bureaux ouverts.

Leur statut a changé en cours de journée, mardi.

La Chambre des notaires du Québec a eu la confirmation que leur travail était considéré comme « essentiel » par le gouvernement du Québec.

Mais c’est à chaque notaire de décider de fermer ou non son bureau « en respect de sa sécurité de même que de celle de son entourage », précise Bolivar Nakhasenh, conseillère en communication à la Chambre.

De son côté, l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) a demandé au gouvernement du Québec d’accorder la même autorisation aux services de courtage, ce qui leur permettrait de poursuivre les visites de propriétés à vendre ou de faire des inspections.

« Actuellement, plusieurs familles qui ont vendu doivent se reloger et nous sommes très sensibles à cet enjeu », indique l’agente aux communications Marie-Ève Bellemare-Tessier.

L’OACIQ dit vouloir éviter que certains acheteurs et vendeurs prennent des risques à l’encontre des directives gouvernementales en se rencontrant quand même pour effectuer une visite ou une transaction.

Alors que l’OACIQ avait déconseillé de faire des visites libres le week-end dernier, certaines étaient tout de même annoncées. Il faut savoir que l’organisme émet des directives, mais qu’il n’a pas d’autorité sur les courtiers immobiliers qui sont des travailleurs autonomes et indépendants.

Faire preuve de solidarité

Le réseau RE/MAX confirme que ses bureaux sont fermés. « Il n’y aura pas de visite de propriété ni de rencontre avec les clients. C’est très important pour nous de respecter les règles gouvernementales », indique la directrice communications et marketing Jessica Lavoie.

Les courtiers pourront néanmoins continuer de faire des tâches qui ne nécessitent pas une rencontre en personne avec des clients. Ils pourront même conclure une transaction immobilière. « Le téléphone reste ouvert, précise Mme Lavoie. Les courtiers ont des outils technologiques pour accompagner les clients, dont la signature électronique. »

Pour le courtier immobilier Georges Bardagi, le milieu doit faire preuve de solidarité et se mettre en pause.

Avec les faibles taux d’intérêt, « l’immobilier va rebondir », assure-t-il. « Si tout le monde respecte les directives. »

« Je ne suis pas inquiet pour le futur. C’est juste une pause », conclut-il.