Les petits oursons souriants sur les pots de beurre d’arachides Kraft réconfortent beaucoup de Canadiens en cette ère de pandémie et de confinement forcé à la maison. De fait, à l’usine de Mont-Royal, qui approvisionne tout le pays, la demande a bondi de 41 %. Le Kraft Dinner, fabriqué au même endroit, connaît un sort similaire avec une envolée de 35 %.

Les chaînes de production de ces deux aliments, normalement fermées les fins de semaine, fonctionnent désormais sept jours sur sept, et ce, 24 heures sur 24, a confié à La Presse la directrice de l’usine, Danielle Nguyen, au cours d’un entretien téléphonique. Une cinquantaine de travailleurs doivent donc faire des heures supplémentaires sur une base volontaire.

Les vastes installations (1 million de pieds carrés) de Kraft Heinz du chemin Devonshire fabriquent tout à partir de matières premières. Soudainement, il en faut donc beaucoup plus qu’en temps normal. Mais jusqu’ici, aucune pénurie n’a entraîné de rupture de production.

PHOTO FOURNIE PAR KRAFT

Danielle Nguyen, directrice de l’usine Kraft Heinz à Mont-Royal qui roule à plein régime depuis la crise de la COVID-19, se dit très fière de réussir à maintenir les opérations d’une usine malgré toutes les précautions nécessaires.

Pour le macaroni au fromage, le fameux Kraft Dinner, l’usine « ne manque pas de blé » pour faire les pâtes alimentaires ni des ingrédients composant la poudre orange. Il faut aussi accroître les arrivages de boîtes en carton, par exemple. « Jusqu’ici, on a eu un bon support des fournisseurs », se réjouit Danielle Nguyen.

Quant aux arachides destinées à se retrouver étendues sur du pain, elles continuent d’arriver en quantité suffisante par camion de la Géorgie, de la Virginie et du Texas. Fermée aux touristes, la frontière américaine demeure heureusement accessible aux marchandises. Mais la situation est « monitorée tous les jours ».

Prise de température à l’entrée

L’autre grand enjeu, évidemment, c’est la santé des travailleurs. Des 963 travailleurs. « On a un plan A, B et C, même ! » explique la directrice de l’usine. Si des employés tombent malades, d’autres seront formés. Ça pourra commencer par « les mécanos à la maintenance » et ensuite, ce sera le tour des directeurs, des dirigeants, alouette.

Pour le moment, le taux d’absentéisme est de « seulement 3 ou 4 % ». Mais de nombreuses simulations ont été faites pour se préparer au pire. Car on est bien conscients qu’il peut tout à fait arriver.

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Quand les employés de nuit de l’usine ont su qu’il y aurait un reportage dans La Presse sur Kraft Heinz, ils ont insisté pour se faire prendre en photo afin de partager leur fierté, nous a-t-on raconté en nous transmettant le cliché.

En tout, ce sont 42 chaînes de production qu’il faut protéger afin de « continuer à nourrir les Canadiens », explique Danielle Nguyen, précisant que l’usine fabrique 90 % de tous les produits Kraft Heinz vendus au Canada.

Par exemple, les visiteurs sont interdits et diverses mesures supplémentaires d’hygiène ont été mises en place, que ce soit dans les entrées, la cafétéria ou les autres aires communes. Une distance de 1,5 mètre entre les employés doit notamment être respectée.

Et depuis ce lundi 23 mars, la température de tous les travailleurs sera prise à leur arrivée au travail par une équipe composée de divers corps de métier et créée pour l’occasion. « Ça va être long, convient Danielle Nguyen. Mais c’est la chose à faire. »

Habitudes alimentaires en période de « marathon »

Danielle Nguyen n’est pas sociologue ni devin. Mais à son avis, pourquoi les Canadiens sont-ils si nombreux à jeter leur dévolu sur le macaroni au fromage en boîte ? « Du Kraft Dinner, quand j’étais jeune, j’en mangeais. C’est un des produits préférés des Canadiens depuis longtemps. Et les gens ont confiance. »

Expert en distribution alimentaire à l’Université Dalhousie, Sylvain Charlebois n’est pas étonné par l’engouement soudain pour le beurre d’arachides et le macaroni.

Ce sont des produits accessibles qui ne nécessitent pas de connaissances développées en cuisine. Et ce sont des produits que tout le monde connaît.

Sylvain Charlebois

Il prédit qu’au départ du « marathon » qu’on est en train de vivre, les consommateurs se tourneront surtout vers des produits « réconfortants » et « pas très compliqués », sur du « comfort food », comme on dit. Mais qu’après un certain temps, « les gens vont apprivoiser leur cuisine » et se mettre à concocter des mets plus raffinés, plus santé aussi.

D’autres catégories de produits fabriqués par Kraft Heinz connaissent aussi des hausses de vente « dans les deux chiffres », mais dans une moindre mesure que le beurre d’arachides et le Kraft Dinner. Et aucune n’a enregistré de décroissance.

« L’usine n’a jamais été meilleure, tient à dire Danielle Nguyen. Les gens sont fiers de rentrer au travail. On nourrit les Canadiens. On sert notre pays. C’est un sentiment incroyable. Notre engagement est au maximum. »