Le mécontentement de la clientèle de Central Maine Power (CMP), partenaire américain d’Hydro-Québec, est tel qu’une offensive est en cours dans le Maine pour nationaliser l’entreprise d’électricité.

Un projet de loi piloté par un élu démocrate, Seth Berry, propose le rachat des activités de CMP et d’Emera, l’autre entreprise privée active dans le Maine, pour en faire une entreprise publique, un peu sur le modèle d’Hydro-Québec.

Le mandat de la nouvelle entreprise, la Maine Power Delivery Authority, serait « de fournir à ses clients-propriétaires des services de transmission et de distribution d’électricité fiables et au meilleur coût possible ».

Au royaume de l’entreprise privée, les monopoles d’État ne sont généralement pas très bien vus, mais le projet de loi a fait son chemin au sein de la législature du Maine. L’organisme de réglementation de l’État, la Maine Public Utilities Commission (PUC), a mandaté une firme indépendante pour examiner la proposition. L’étude, réalisée au coût de 500 000 $ US par London Economics International, en arrive à des conclusions mitigées.

Le rapport, qui vient d’être rendu public, affirme que la nationalisation de Central Maine Power et d’Emera ne garantirait pas une baisse des tarifs d’électricité et un meilleur service. Toutefois, les consommateurs d’électricité pourraient en bénéficier à long terme, notamment parce qu’une entreprise publique peut emprunter à meilleur coût qu’une société privée et qu’elle peut répercuter ces économies sur les tarifs d’électricité.

Le rapport critiqué

Aussitôt déposé, le rapport de London Economics a été mis en pièces par les entreprises concernées. « Les conclusions du rapport indépendant démontrent que la propriété publique n’est pas dans l’intérêt des consommateurs ni des contribuables du Maine », a commenté le porte-parole de CMP, cité par le quotidien Portland Press Herald.

À l’inverse, ceux qui sont favorables à la nationalisation voient le côté positif dans le fait que la recherche du profit ne serait plus la seule motivation du distributeur d’électricité. Le représentant démocrate qui pilote le projet de loi estime qu’une entreprise publique permettrait à l’État de poursuivre ses propres objectifs en matière d’électrification et d’énergie renouvelable.

Avec un coût plus bas du capital et un contrôle local, la Maine Power Delivery Authority permettrait au Maine d’atteindre ces objectifs et de mieux faire face à son avenir.

Seth Berry

L’investissement que devraient faire les contribuables du Maine pour racheter les actifs de leurs entreprises d’électricité soulève aussi plusieurs interrogations. Selon Emera, l’une des deux entreprises visées, la nationalisation coûterait entre 7 et 9 milliards US.

Surtout des entreprises privées

La grande majorité des compagnies d’électricité aux États-Unis sont des entreprises privées. Central Maine Power est une filiale d’Avangrid, entreprise américaine inscrite à la Bourse de New York. Avangrid est elle-même contrôlée par le géant espagnol de l’énergie Iberdrola.

Central Maine Power, principal distributeur d’électricité du Maine, est le partenaire d’Hydro-Québec dans le projet de construction d’une nouvelle ligne de transport entre le Québec et le Massachusetts, qui traverserait le Maine.

Il ne jouit pas d’une cote d’amour très élevée auprès de ses clients, c’est le moins qu’on puisse dire. CMP arrive même bon dernier parmi toutes les entreprises similaires aux États-Unis quant à la satisfaction de la clientèle, selon un sondage récent de la firme J.D. Power.

Un référendum sur le projet

Les opposants au projet de ligne de transport d’Hydro-Québec et de Central Maine Power ont réuni un nombre suffisant de signatures valides pour forcer la tenue d’un référendum en novembre prochain, selon les autorités de l’État. Un total de 69 714 signatures valides a été réuni par les opposants au projet, alors qu’il leur en fallait un minimum de 63 067. Le référendum vise à renverser la décision de l’organisme de réglementation de l’État, la Maine Public Utilities Commission, qui a donné son feu vert au projet. La proposition de référendum doit encore être approuvée par la législature, à la suite de quoi la question qui apparaîtra sur le bulletin de vote sera formulée. Hydro-Québec et CMP se sont déjà lancés en campagne pour empêcher la tenue de ce référendum qui risque de retarder ou même de faire avorter leur projet de 1 milliard US. Le contrat de 20 ans conclu par Hydro-Québec avec le Massachusetts, qui doit lui rapporter des milliards, dépend de la construction de cette ligne de transport de 233 kilomètres.