Franchir le cap de la cinquantaine devrait constituer une étape emballante dans la carrière des femmes qui occupent des postes de direction dans le secteur de la finance. Pourtant, plusieurs professionnelles de plus de 50 ans estiment qu’elles se retrouvent sur un siège éjectable alors qu’elles sont souvent les premières victimes de toute rationalisation ou réorganisation.

« Des témoignages de femmes qui travaillent dans le secteur de la finance qui ont perdu leur emploi parce qu’elles ont franchi le cap des 50 ans, on en entend continuellement », m’explique Françoise Lyon, présidente du conseil d’administration de l’Association des femmes en finance du Québec (AFFQ).

« Si une entreprise annonce une restructuration, c’est presque automatiquement le poste occupé par une femme de plus de 50 ans qui est coupé, pas celui de celle qui a 15 ans de moins ou d’un collègue du même âge », déplore Mme Lyon, également présidente et associée de DGC Capital, une firme de placement privé.

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Françoise Lyon, présidente du conseil d’administration de l’Association des femmes en finance du Québec

Le couperet tombe régulièrement sur une cinquantenaire qui est cheffe de la direction financière, cheffe des ventes ou cheffe des marchés des capitaux, des personnes-clés dans une entreprise, relève Françoise Lyon.

Et l’enjeu de se trouver à nouveau un emploi après avoir été remerciée de postes aussi prestigieux lorsqu’on est une femme de plus de 50 ans peut se transformer en épreuve insurmontable.

« C’est assez incompréhensible. À 50 ans, une femme a acquis un bagage d’expérience qui a nourri sa compétence. Elle est aussi plus disponible que lorsqu’elle avait 30 ou 40 ans et qu’elle avait des obligations familiales », souligne Françoise Lyon.

Après avoir dû et devant toujours se battre contre la discrimination dans l’emploi, les femmes sont aussi davantage victimes d’âgisme que les hommes, et ce n’est pas le seul apanage du secteur financier, convient la présidente de l’AFFQ.

C’est certain qu’on observe le même phénomène dans d’autres secteurs d’activité, mais nous, on a décidé d’aller au fond des choses et d’enquêter sur notre situation.

Françoise Lyon

« On a entrepris une démarche pour déterminer si la précarité des postes des femmes de 50 ans et plus qui œuvrent en finance est un fait bien ancré dans la réalité ou s’il s’agit de folklore et qu’on généralise à partir de quelques cas », explique Françoise Lyon.

Groupe d’intervention

L’Association des femmes en finance du Québec a mis sur pied, l’automne dernier, une équipe supervisée par son Comité Carrière qui va documenter le dossier.

Parallèlement, l’AFFQ a communiqué avec tous les ministres à vocation économique – Finances, Développement économique, Emploi… – pour leur expliquer sa démarche et les aviser que son rapport pourrait éventuellement déboucher sur une intervention gouvernementale.

« On va réaliser des entrevues avec les responsables des ressources humaines de toutes les grandes entreprises du secteur financier pour qu’ils nous expliquent leur réalité à eux », précise la présidente.

C’est l’ancienne présidente du conseil de l’AFFQ, Dana Ades Landy, qui a lancé cette initiative et qui pilote le dossier. Mme Landy a elle-même vécu cette cruelle réalité du licenciement post-50 ans.

« On va réaliser aussi un sondage auprès de nos presque 1000 membres pour connaître leur perception. On va dévoiler les résultats de notre démarche à la fin de l’année », prévient Françoise Lyon.

Mme Lyon est emballée de participer à cette étude parce qu’elle vient elle-même d’entrer dans la réalité temporelle des cinquantenaires, il y a tout juste un mois.

« Je viens d’avoir 50 ans, et cette cause me tient à cœur. Je pense que c’est par l’action qu’on va trouver des solutions. Les femmes qui ont de l’expérience ont une meilleure capacité d’empathie, de résilience, d’adaptabilité. »

Il faut cesser de voir l’âge comme un désavantage. D’autant qu’un homme de 50 ans est encore considéré comme jeune, alors pourquoi discriminer les femmes du même âge ?

Françoise Lyon

L’Association des femmes en finance du Québec a été créée il y a 20 ans, et Françoise Lyon faisait partie des 35 premières membres fondatrices qui se sont regroupées, essentiellement pour former un réseau.

Aujourd’hui, l’AFFQ compte presque 1000 membres, toutes des femmes qui sont actives dans le secteur financier, dont environ 30 % sont âgées de plus de 50 ans, selon Françoise Lyon.

Malgré son jeune âge, Françoise Lyon a un CV richement garni d’expériences diverses dans le monde de la finance, où elle a débuté comme vice-présidente au marketing chez le courtier Midland Walwyn, pour occuper ensuite des postes de haute direction chez Merrill Lynch, Bank of America, la Banque Nationale, Pembroke Management avant d’être aujourd’hui présidente de DGC Capital.