(Edmonton) Le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, a soutenu qu’un nouveau report par le gouvernement fédéral de sa décision d’approuver ou non la mine de sables bitumineux Frontier avait amené Teck Resources à renoncer à son projet de 20 milliards — une allégation rejetée par Ottawa.

M. Kenney a déclaré que le report, couplé à l’inaction du gouvernement fédéral à l’égard des protestations en cours contre les pipelines, avait sabordé le projet et refroidi de nouveau les ardeurs des investissements au Canada.

Le premier ministre a dit avoir parlé deux fois au chef de la direction de Teck, Don Lindsay, en fin de semaine, avant que l’entreprise n’annonce dimanche soir qu’elle ne procéderait pas à l’exploitation de la mine.

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Don Lindsay

Le Cabinet du premier ministre Justin Trudeau devait accorder ou non l’approbation définitive pour la mine d’ici la fin de cette semaine, mais M. Kenney a déclaré que Teck avait été informée que l’échéancier avait changé.

« Le gouvernement fédéral a fait savoir à Teck qu’il n’y aurait pas de décision oui ou non sur la demande cette semaine, mais plutôt qu’elle serait reportée à un certain moment dans le futur, créant une incertitude encore plus grande pour cette entreprise », a soutenu M. Kenney.

« Je pense que s’il n’y avait pas eu cette incertitude, ils auraient continué le processus pour le projet. »

À Ottawa, Cameron Ahmad, directeur des communications de M. Trudeau, a affirmé qu’il était faux de dire que le gouvernement fédéral avait dit à Teck, avant que la société n’abandonne le projet, que le Cabinet allait surseoir à sa décision.

« Nous n’étions pas arrivés à une décision », a affirmé M. Ahmad.

Un porte-parole de l’entreprise Teck Resources, de Vancouver, n’a pas immédiatement répondu à une demande pour commenter les propos de M. Kenney.

Le projet devait créer environ 7000 emplois dans le secteur de la construction, 2500 emplois dans le secteur de l’exploitation et environ 12 milliards en impôts sur le revenu et sur le capital fédéral, mais il devait également produire environ 4 millions de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre par an sur 40 ans.

Teck évoque les barrages ferroviaires

Le gouvernement Kenney, ces dernières semaines, avait tracé une ligne dans le sable sur le projet Frontier. M. Kenney avait déclaré que le feu vert au projet était non seulement essentiel pour le secteur pétrolier et gazier en difficulté de l’Alberta, mais qu’il constituerait aussi un symbole que le Canada était ouvert aux affaires dans le secteur énergétique.

Teck, dans une lettre dimanche au ministre fédéral de l’Environnement, a souligné le discours politique sur le changement climatique comme une raison pour son abandon du projet Frontier.

Dans la lettre, M. Lindsay affirme que les investisseurs et les clients souhaitent de plus en plus que les juridictions aient un cadre en place qui concilie l’exploitation des ressources et les enjeux liés au changement climatique.

M. Kenney a dit qu’il était surpris de voir les enjeux climatiques évoqués dans la lettre de Teck, étant donné que l’Alberta a mis en place des programmes de réduction des émissions pour les grands émetteurs.

M. Lindsay, s’exprimant lundi lors d’une conférence sur les mines en Floride, a déclaré que Teck avait également mis le projet de côté en raison des tensions concernant les droits des Autochtones, l’exploitation des ressources et les problèmes liés aux récents barrages ferroviaires en opposition au projet Coastal GasLink de la Colombie-Britannique.

Notley blâme Kenney

La chef de l’opposition albertaine, la néo-démocrate Rachel Notley, estime que la décision de Teck Resources d’abandonner son projet d’exploitation des sables bitumineux devrait être un signal d’alarme pour le premier ministre Jason Kenney.

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Rachel Notley

Mme Notley soutient que la diabolisation par M. Kenney des environnementalistes a semé la division et sapé le consensus sur l’équilibre entre les grands projets énergétiques et la protection de l’environnement.

Mme Notley affirme que le premier ministre conservateur doit cesser de tenir un discours de division et travailler avec Ottawa pour créer un cadre fiable et rassembleur sur le changement climatique comme le souhaitent les investisseurs internationaux.