Chers lecteurs, vous vous rappelez probablement qu’en août, j’ai écrit un article sur un grand syndicat de Colombie-Britannique qui, comme actionnaire de Saputo, venait de déposer une résolution demandant à l’entreprise plus de transparence sur son gaspillage alimentaire.

OK, peut-être étiez-vous encore en vacances, mais c’était un texte sur les gestes de plus en plus nombreux, et concrets, faits dans le monde des affaires pour demander aux grandes entreprises d’être écolos, éthiques et socialement responsables. 

Lundi je suis allée chercher cette pièce – pas d’anthologie – dans les archives, parce que six mois après la fameuse résolution, qui a par ailleurs été défaite, Saputo a annoncé une politique contre le gaspillage alimentaire et un tas d’autres trucs. 

Le fromager québécois a répondu, ni plus ni moins, aux doléances exprimées par la British Columbia Government and Service Employees’ Union (BCGEU). 

Donc le syndicat a rouspété et le fromager géant s’est incliné.

Ou en tout cas, il a fait des promesses.

Il faut dire, remarque Emma Pullman, celle qui pilote le suivi des entreprises dans lesquelles la BCGEU investit – pour s’assurer que leurs bilans en matière d’environnement, de gouvernance, d’éthique, de respect de droits de la personne et des travailleurs, entre autres choses, n’exposent pas les investissements du syndicat à des risques indus –, que la firme Sustainalytics, un des grands évaluateurs d’entreprises en fonction de ces critères, avait montré la société du doigt en 2019. On avait alors dit que le manque de leadership de l’entreprise montréalaise en matière de gaspillage était un réel talon d’Achille chez le transformateur laitier québécois.

Donc voici quelques éléments de ce que Saputo a annoncé lundi : des investissements de 50 millions en trois ans pour diminuer de 20 % les émissions de gaz à effet de serre de ses activités, pour baisser de 10 % sa consommation d’eau, pour réduire de 25 % sa quantité totale de déchets et, finalement, pour diminuer de 50 % son gaspillage alimentaire d’ici 2025.

« Saputo s’attend à réaliser ces objectifs concrets en mettant en œuvre des initiatives ciblées axées sur l’électricité renouvelable, la conservation des ressources et l’emballage durable », a annoncé l’entreprise.

« De plus, Saputo a mis en place un cadre de gouvernance visant à favoriser l’engagement et la responsabilisation à l’échelle de la Société. »

Et le patron de Saputo dans toute l’Amérique du Nord, Carl Colizza, sera la personne chargée de veiller à la mise en œuvre de tout cela.

PHOTO RYAN REMIORZ, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Voici quelques éléments de ce que Saputo a annoncé lundi : des investissements de 50 millions en trois ans pour diminuer de 20 % les émissions de gaz à effet de serre de ses activités, pour baisser de 10 % sa consommation d’eau, pour réduire de 25 % sa quantité totale de déchets et, finalement, pour diminuer de 50 % son gaspillage alimentaire d’ici 2025.

Est-ce qu’il faut applaudir à tout rompre ? 

Peut-être pas encore. 

« Nous devons être prudemment optimistes, vigilants, m’a confié lundi Emma Pullman. Et nous avons l’intention de faire le suivi. » 

Mais c’est une bonne nouvelle. « Je suis clairement encouragée », a-t-elle ajouté.

« La décision de Saputo de s’attaquer au gaspillage alimentaire, de remettre en question sa consommation d’eau et de considérer l’impact de ses décisions sur le climat est l’exemple parfait de ce qu’on peut obtenir en utilisant le pouvoir d’investissement des travailleurs, a commenté pour sa part la présidente du syndicat, Stephanie Smith. Cette décision est la preuve que faire face aux problèmes liés à l’environnement est bon à la fois pour la planète et la profitabilité. »

Saputo se donne donc cinq ans pour atteindre ses objectifs et se dote, pour le moment, d’un budget de 50 millions. 

Le chiffre peut sembler costaud, mais je tiens juste à vous rappeler ici que l’entreprise a fait 755 millions en profits pour l’exercice complété en mars 2019.

Évidemment que j’ai envie de dire qu’ils pourraient injecter plus de capital, surtout qu’il y a sûrement de l’argent à faire en se transformant. Les consommateurs le demandent, la population le demande, les analystes en marketing le constatent : le sceau écolo et éthique vend de plus en plus. 

« Le public fait de plus en plus preuve de discernement », note Mme Pullman.

Les consommateurs veulent des produits éthiques et verts, et ils posent des questions pour ne pas être victimes de fausses prétentions.

Et Saputo n’a pas le choix de prendre les devants dans un tel contexte. C’est une entreprise de produits laitiers, alors la vague végane déferle sur l’Amérique du Nord.

Dimanche soir, même le gagnant de l’Oscar du meilleur acteur, Joaquin Phoenix, a parlé du sort des pauvres veaux et vaches en acceptant son trophée. 

Cette tendance est sérieusement dans l’air, et si les entreprises de produits laitiers veulent y répondre, c’est d’abord et avant tout en se posant des questions profondes sur leurs méthodes de production.

Je ne sais pas si l’avenir est autant aux laits végétaux – dont on découvre de plus en plus les qualités et les défauts éthiques et écologiques – que la croissance des courbes de ventes le laisse croire. Mais chose certaine, l’industrie laitière traditionnelle doit se mettre à niveau. Et c’est ce que Saputo commence à faire.