Signataire depuis 2012 des Principes pour l’investissement responsable de l’Organisation des Nations unies, la firme de gestion de placement Addenda Capital intègre la grille ESG — pour environnement, société et gouvernance — dans l’analyse de tous les titres obligataires ou boursiers qu’elle négocie.

Son PDG, Roger Beauchemin, nous explique comment l’investissement durable mise davantage sur le calibrage que sur le criblage pour réaliser ses investissements.

Vous êtes actifs dans l’investissement durable depuis 2012. Quelle est aujourd’hui la proportion de vos actifs sous gestion qui rentre dans cette catégorie d’investissement ?

Tous les investissements qui couvrent nos actifs sous gestion de 34 milliards ont été réalisés avec la grille ESG. C’est-à-dire que l’on tient compte dans le choix de nos investissements de facteurs environnementaux, sociétaux et de gouvernance des entreprises.

Mais il faut savoir que l’on fait du calibrage. On a encore des titres dans le secteur pétrolier parce que le secteur de l’énergie, c’est important au Canada, tant en ce qui concerne la réalité du pays — longues distances et coûts de chauffage élevés — que dans la réalité financière et économique, alors que beaucoup de ménages dépendent d’activités liées à l’énergie.

L’investissement responsable 1.0 faisait du criblage d’entreprises ou de secteurs d’activités. On n’investissait pas dans le pétrole ou l’énergie, point final. On accepte de le faire en sachant que c’est sur une base transitoire de notre part ou que l’entreprise elle-même est en transition.

Prenez l’exemple de Cenovius [compagnie pétrolière intégrée de l’Alberta]. Sa direction s’est engagée à devenir carboneutre d’ici 2050. On s’engage aussi à faire des [démarches] dans les firmes où on investit et qui tardent à amender leurs pratiques.

De quelle façon s’articule votre stratégie d’investissement durable avec votre portefeuille obligataire qui est une base d’actifs sous gestion importante pour Addenda Capital ?

On a mis sur pied il y a cinq ans nos Placements d’impact qui répondent aux 17 objectifs de développement durable des Nations unies.

On investit dans des obligations vertes pour le financement de projets à caractère environnemental. Ces obligations représentent 60 % de nos 3,7 milliards d’actifs de Placements d’impact.

Sinon, on souscrit à des obligations durables qui vont servir au financement d’initiatives dans les domaines de l’éducation, de la santé ou du communautaire, comme les obligations d’universités ou d’hôpitaux.

Le capitalisme se transforme, les gens cherchent des véhicules d’investissement qui contribuent au développement de projets utiles à la société.

Même BlackRock, le plus gros fonds d’investissement du monde, veut tenir compte de l’impact environnemental des entreprises dans ses prochains investissements. C’est devenu une tendance incontournable aujourd’hui ?

Oui, absolument, bien que BlackRock soit à peu le près le dernier groupe à avoir annoncé son intention de mieux investir à l’avenir. Et encore là, leur engagement touche 500 millions d’investissements à venir alors qu’ils ont plus de 7000 milliards d’actifs sous gestion…

Addenda Capital a toujours été associée à la gestion de titres de revenus fixes, mais depuis que la compagnie d’assurances Co-operators en a fait l’acquisition en 2008, vous êtes devenu un gestionnaire d’actifs diversifiés. Est-ce que les titres obligataires restent encore votre marché principal ?

Oui, les titres de revenus fixes représentent plus de 24 milliards de notre portefeuille qui totalise plus de 34 milliards d’actifs. Addenda Capital a été fondée en 1996 par Carmand Normand et a été jusqu’en 2008 un gestionnaire de titres obligataires même si Carmand Normand était un spécialiste de la gestion de titres boursiers.

Michael White, le PDG de Co-operators Investment Counselling, la filiale de gestion d’actifs de la société d’assurances Co-operators, a fait l’acquisition d’Addenda Capital en 2008 parce qu’il voulait diversifier la base de clientèle de sa firme qui se limitait aux seuls actifs de la compagnie d’assurances. Il n’avait pas de mandats externes et il voulait créer une émulation avec les clients institutionnels d’Addenda.

Après la fusion, en 2008, le groupe qui a gardé le nom d’Addenda Capital avait 35 milliards d’actifs sous gestion, mais c’était avant que la crise financière n’éclate…

La crise a été si pénible pour la nouvelle Addenda ?

La crise a fait très mal. Le comportement des taux d’intérêt a été faussé par l’action des banques centrales qui ont racheté massivement des obligations. On a eu une performance négative en 2008, en 2010 et en 2011.

On a perdu beaucoup d’actifs parce qu’on était une source de liquidités pour beaucoup de nos clients. On est passé de 35 milliards d’actifs sous gestion à 22 milliards en 2013.

C’est à ce moment-là que vous vous êtes joint à Addenda Capital. Quel était votre mandat ?

J’ai été nommé en 2012 pour prendre la direction financière et celle des opérations. J’ai reconstruit le portefeuille avec l’équipe en place et on a créé une nouvelle équipe de gestionnaires d’actions canadiennes et d’actions mondiales.

Les choses se sont replacées et je suis devenu PDG en 2015, mais une chose demeure, depuis 2008, tous ceux qui épargnent — les particuliers, les compagnies d’assurances et les caisses de retraite — vivent la répression financière en raison de l’action des banques centrales qui maintiennent les taux d’intérêt à des niveaux extrêmement bas.

Qui sont vos clients exactement aujourd’hui ? Est-ce que les actifs de la compagnie d’assurances Co-operators occupent toujours une place prépondérante ou importante ?

Co-operators représentent environ le tiers de nos actifs sous gestion. Sinon, on a plusieurs autres mutuelles d’assurance comme clients de même que des caisses de retraite, des fondations.

Les investisseurs particuliers totalisent 1 milliard de nos actifs sous gestion, mais on souhaite hausser leur contribution. On a d’abord travaillé à rehausser notre rentabilité et là, on est prêts à réaliser une expansion.