À moins qu’il ne se blesse au cours du match, Laurent Duvernay-Tardif va être solide sur ses deux genoux dimanche lorsqu’il va effectuer les blocs pour protéger Patrick Mahomes, le quart-arrière des Chiefs de Kansas City, et éventuellement permettre à son équipe de remporter le Super Bowl. Et c’est grâce à une innovation technologique d’une firme montréalaise – Emovi – que le joueur québécois est aujourd’hui à son zénith.

Comme des milliers de Québécois, je me suis soudainement intéressé cette année aux séries éliminatoires de la NFL depuis que Laurent Duvernay-Tardif, notre nouveau Guy Lafleur du football professionnel, y joue un rôle déterminant.

Parce que c’est en partie en raison du jeu du garde offensif Laurent Duvernay-Tardif que Patrick Mahomes a réussi à gagner de façon spectaculaire les deux matchs de qualification qui ont permis à Kansas City d’accéder à la finale suprême du football américain.

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Laurent Duvernay-Tardif a tellement apprécié l’efficacité de la technologie d’Emovi qu’il a accepté d’en devenir l’ambassadeur.

Et c’est aussi parce que nous sommes chauvins et que notre Québécois sera sur la ligne de front dimanche que nous serons tous derrière lui.

Mais il faut se rappeler que Laurent Duvernay-Tardif revient de loin. Il y a deux ans, il a été victime d’une entorse au ligament collatéral interne du genou gauche qui l’a tenu à l’écart du jeu durant quatre semaines avant de se fracturer le péroné la saison dernière, une blessure qu’il a dû soigner durant 16 semaines.

En dépit de traitements divers, de séances de physiothérapie, d’interventions mécaniques et de différentes orthèses, l’athlète de 6 pi 5 po ressentait toujours des douleurs au genou jusqu’à ce qu’il subisse en juillet dernier une « genougraphie », grâce à un tout nouvel outil clinique, baptisé KneeKG, qui a été développé à Montréal par la firme Emovi.

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Le KneeKG permet de diagnostiquer les causes de la douleur aux genoux.

« C’est un instrument qui permet de diagnostiquer les causes de la douleur aux genoux, à partir desquelles on a développé avec l’aide de l’intelligence artificielle des plans de traitement spécifiques », m’explique Michelle Laflamme, fondatrice et PDG d’Emovi, qui a patiemment mis au point la commercialisation de cette nouvelle technologie médicale au cours des 12 dernières années.

La « genougraphie » se réalise à l’aide d’un exosquelette posé sur le genou qui prélève à l’aide de capteurs des signaux biomécaniques qui sont transmis pendant que le patient est en mouvement sur un tapis roulant. Ces signaux sont par la suite traités à l’aide de l’intelligence artificielle pour formuler un diagnostic.

« La genougraphie permet de poser un diagnostic exact. C’est comme passer du stéthoscope à l’électrocardiogramme pour faire des diagnostics pour le cœur », illustre Michelle Laflamme.

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Michelle Laflamme, fondatrice et PDG d’Emovi

Dans le cas de Laurent Duvernay-Tardif, il lui aura fallu quatre semaines de réadaptation seulement pour enrayer totalement le mal qui le minait depuis deux ans, en réalisant régulièrement quatre petits exercices très légers et non contraignants.

Tout un contraste quand on sait que bien des spécialistes ont tendance à prescrire des exercices de renforcement plutôt astreignants.

L’athlète-médecin a tellement apprécié l’efficacité de la technologie d’Emovi qu’il a accepté d’en devenir l’ambassadeur, tout comme le sprinter Bruny Surin qui a enrayé lui aussi des malaises persistants et pénibles aux genoux après avoir enduré pendant des années des traitements et des injections de toutes sortes qui se sont révélés inefficaces.

Une technologie québécoise

Michelle Laflamme, avocate en droit commercial qui s’est spécialisée dans la commercialisation de technologies médicales, s’est intéressée en 2007 à la technologie de la « genougraphie » qu’avaient développée Polytechnique et l’École de technologie supérieure ainsi que le Centre de recherche du CHUM pour ce qui touche l’intelligence artificielle.

« Au départ, j’ai pris une licence et j’ai acheté la totalité des brevets en 2010 parce que les institutions devaient s’en défaire. J’ai reçu l’appui de quatre orthopédistes montréalais – de Sacré-Cœur, de Sainte-Justine, de Maisonneuve-Rosemont et de la Cité de la Santé – qui ont poursuivi les tests cliniques.

« J’ai réussi à obtenir du financement privé et aussi de l’aide du ministère du Développement économique et de l’Innovation pour continuer de colliger le plus de données probantes », relate l’entrepreneure technologique.

En 2012, le Fonds d’innovation en biotech du Fonds de solidarité a injecté 1,5 million dans Emovi, puis une autre tranche de 1,5 million en 2015.

« Je suis ensuite partie à la recherche de leaders d’opinion partout dans le monde pour les sensibiliser à notre technologie KneeKG et pour tester nos produits dans des hôpitaux et des centres de recherche », résume Michelle Laflamme.

Résultat des courses, KneeKG a fait l’objet d’articles dans plus de 100 publications scientifiques. Il a été testé sur plus de 10 000 patients de façon concluante et il a été évidemment homologué par Santé Canada et la FDA aux États-Unis.

L’an dernier, Emovi a réalisé une ronde de financement de 20 millions, dont 14 millions ont été injectés par le fonds allemand TVM Sciences de la vie. Desjardins Capital de risque a investi 1 million et Investissement Québec a accordé un prêt de 4,8 millions.

« Notre technologie est maintenant installée dans 40 centres de traitement en Amérique du Nord. On pousse la commercialisation aux États-Unis et en Europe et on devrait franchir le cap des 100 clients cette année », anticipe Michelle Laflamme.

Toutes les composantes des produits KneeKG sont fabriquées au Québec et assemblées par les techniciens d’Emovi à Montréal, à une cadence d’un appareil de genougraphie par jour.

Le marché pour les appareils de diagnostiques d’Emovi est immense. Michelle Laflamme évalue à 40 millions le nombre de clients potentiels pour la technologie d’Emovi en Amérique du Nord et en Europe, alors que seulement aux États-Unis, plus de 28 millions d’Américains consultent annuellement un médecin pour des maux de genoux.

Les Chiefs de Kansas City et Laurent Duvernay-Tardif n’ont pas besoin de remporter le Super Bowl dimanche pour démontrer l’efficacité de la technologie d’Emovi. La seule présence du garde offensif québécois en pleine santé en sera déjà une illustration éloquente.