(Washington) Les États-Unis et la Chine signent mercredi un accord commercial en forme de victoire politique pour Donald Trump qui a cependant un goût amer tant le bras de fer aura laissé des traces sur les deux premières économies mondiales.

« Les problématiques de fond restent en suspens mais politiquement, c’est une très bonne chose » pour le président américain qui brigue un second mandat, opine Edward Alden, expert en politique commerciale au Council on Foreign Relations.

L’hôte de la Maison-Blanche peut en effet se targuer d’avoir été « tenace » avec la Chine. « Techniquement, il a obtenu un accord » qu’il avait promis à ses électeurs en 2016, souligne-t-il.

En outre, cette trêve dans la guerre commerciale a de quoi rassurer les marchés qui, en 2018 et en 2019, ont subi de nombreux soubresauts au gré des menaces, des vagues de tarifs douaniers ou au contraire des gestes d’apaisement.

Cette accalmie est aussi de nature à stimuler l’économie américaine, un atout pour la campagne de Donald Trump, en levant les incertitudes et en renforçant donc la confiance des consommateurs, traditionnel moteur de la croissance aux États-Unis. Elle devrait aussi relancer les investissements des entreprises, qui ont fortement ralenti en 2019 faute de visibilité sur l’issue du conflit.

Le président américain avait choisi le dernier jour de l’année 2019 pour annoncer que la signature de ce traité partiel aurait lieu le 15 janvier à la Maison-Blanche.

Mais ce n’est que jeudi que le ministère chinois du Commerce a confirmé le déplacement du vice-premier ministre chinois, Liu He, à Washington du 13 au 15 janvier.

« Le document entier sera rendu public mercredi », a promis le conseiller économique de la Maison-Blanche, Larry Kudlow, pour faire taire les sceptiques. « Il y aura une merveilleuse cérémonie », a-t-il ajouté, évoquant un dîner la veille de la signature et un déjeuner le jour même.

Bras de fer sur 10, 20 ans

Sans entrer dans le contenu du texte, objets d’intenses spéculations, M. Kudlow a réaffirmé, en réponse aux critiques, que les États-Unis avaient obtenu de nombreuses concessions.

« C’est un accord historique », a estimé dimanche le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin sur Fox News.

« Pour la première fois, nous avons un accord complet sur les problématiques technologiques, les services financiers, les achats » supplémentaires de biens chinois ainsi qu’un « vrai mécanisme pour faire appliquer » l’accord, a-t-il fait valoir.

Selon Washington, Pékin va acheter pour 200 milliards de dollars de produits américains sur une période de deux ans comparé à 2017, dont 40 à 50 milliards de biens agricoles.

En échange des engagements chinois, l’administration Trump a renoncé à imposer de nouveaux droits de douane à la Chine et diminué de moitié ceux imposés le 1er septembre sur 120 milliards de dollars de biens chinois.

L’accord avec Pékin représente « un succès mitigé » pour Donald Trump, estime Eswar Prasad, professeur de politique commerciale à l’Université Cornell et spécialiste de la Chine.

Le président « a extirpé certaines concessions de la part de la Chine et d’autres partenaires commerciaux des États-Unis mais à un coût important pour l’économie américaine et avec une érosion de la position des États-Unis sur la scène internationale en tant que partenaire commercial digne de confiance et fiable », souligne-t-il.

Si la Chine a bien plus été affectée par la guerre des tarifs douaniers que les États-Unis sur le plan économique, industriels et agriculteurs américains ont souffert eux aussi.

Pour atténuer les pertes dans le secteur agricole, l’administration Trump a même dû débloquer 28 milliards de dollars d’aide au total entre 2018 et 2019.

L’industrie manufacturière est, elle, entrée en récession en août.  

« Le préjudice […] a été important et les engagements de nouveaux achats sont peu susceptibles de réparer ces dommages », commente Edward Alden.

Alors que Donald Trump a lancé l’offensive avec l’objectif de réduire le déficit commercial américain et de mettre fin à des pratiques commerciales jugées « déloyales », les experts doutent aussi de la capacité des États-Unis à obtenir des changements structurels.

La Chine, elle-même confrontée à des enjeux politiques, est en effet peu encline à revisiter son modèle économique.

Eswar Prasad prédit ainsi que Pékin ne cédera pas sur des demandes clés de l’administration Trump, en particulier la réduction substantielle des subventions d’État aux entreprises.

Xu Bin, professeur d’économie à l’Ecole de commerce international Chine Europe (CEIBS) à Shanghai, estime que pour l’heure, les deux parties ont atteint une situation « acceptable, pas une victoire ».  

Il s’attend à ce que le bras de fer se poursuive pendant longtemps, « au cours des 10, 20 prochaines années, voire plus ».  

Pour lui, les deux géants vont alterner les cycles de conflit et de trêve pour satisfaire leur opinion publique.