Tôt ou tard, l’économie du Québec finira par ralentir. Ainsi vont les cycles économiques.

Depuis cinq ans, l’emploi croît au Québec au-delà de toutes les espérances, mais à voir les nuages gris qui s’amoncellent depuis quelque temps, une averse est en vue. Sera-t-elle faible, moyenne, forte ? Courte ou longue ? Les boules de cristal ne sont pas encore limpides.

Vendredi, justement, Statistique Canada a publié ses chiffres sur l’emploi de novembre. Et le Québec connaît un recul important du nombre d’emplois par rapport au mois précédent, qui se chiffre à 45 100. Les deux tiers des pertes viennent du secteur privé. Cette chute mensuelle, la deuxième de suite, fait partie des éléments qui font bondir le taux de chômage de 5 % à 5,6 %.

Compte tenu des scénarios de ralentissement, il faut se demander si cette hausse du chômage ne marque pas un point de retournement de l’économie. Depuis deux mois, le taux de chômage est ainsi passé de 4,7 % à 5,6 % au Québec, bond qu’on n’avait pas vu depuis cinq ans.

La Colombie-Britannique connaît aussi une perte en novembre, de 18 000 emplois, et le taux de chômage y a grimpé de 0,3 point, à 5,0 %. Et l’Ontario a aussi vu son taux de chômage grimper de 0,3 point, à 5,6 %.

Bref, peut-être s’agit-il d’un point de retournement. Cela dit, la pénurie de main-d’œuvre ne disparaîtra pas de sitôt au Québec, compte tenu du vieillissement de la population. L’Institut du Québec constate qu’en novembre, la qualité des emplois demeure bonne au Québec et que les salaires hebdomadaires continuent de progresser à un rythme impressionnant (+ 6,2 %).

De plus, il faut garder à l’œil les aléas de l’économie américaine et les tensions commerciales mondiales, notamment celles entre les États-Unis et la Chine. Au même moment que Statistique Canada a publié nos chiffres mitigés sur l’emploi, les États-Unis ont fait état d’un nouveau bond important de l’emploi en novembre (266 000). Or, comme chacun sait, la santé de notre voisin américain est déterminante pour notre économie.

Si jamais le ralentissement se poursuit au Québec, la recherche d’un emploi pourrait être plus ardue pour certains étudiants finissants ou certains immigrants récents dans des secteurs économiques moins prisés. Néanmoins, il est très peu probable que l’on connaisse en 2020 l’hécatombe du début des années 80 ou 90. À suivre.

La curieuse poursuite de Sylvie Lalande

Sylvie Lalande ne devrait pas poursuivre le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon. La raison est simple : l’administratrice démissionnaire de Capital régional et coopératif Desjardins n’a aucune chance de gagner.

La gestionnaire, qui est également vice-présidente du conseil de Québecor, soutient que les propos du ministre ont porté atteinte à sa réputation. Qu’a dit Pierre Fitzgibbon, au juste ?

Le 26 novembre, le ministre s’est d’abord demandé devant des journalistes « s’il y avait des forces en présence qui auraient pu faire dérailler la décision [de Desjardins d’investir dans Capitales Médias] ».

Puis, il a dit à un journaliste de La Presse : « Il est clair pour moi que la présence de Mme Lalande au conseil d’administration de CRCD doit susciter un questionnement. Par contre, je ne suis pas prêt à dire qu’il y a un conflit d’intérêts formel […]. Il y a possiblement apparence de conflit, c’est sûr. Je ne sais pas ce qui s’est passé. »

En quoi ces propos sont-ils diffamatoires ? Être en conflit d’intérêts n’est pas, en soi, une anomalie dans le monde des affaires. Il n’est pas rare qu’un membre de conseil d’administration soit en conflit dans un dossier en particulier, auquel cas, il déclare ce conflit et s’abstient de voter, en quittant la réunion.

Ce n’est pas d’être en conflit qui pose problème, mais le fait d’omettre de déclarer ce conflit ou, pire, d’en tirer profit. C’est le cas si un administrateur, par exemple, vote en faveur d’une entente dont les termes profiteraient à un proche parent ou à une entreprise dans laquelle il a des intérêts.

C’est d’ailleurs écrit en toutes lettres dans la notice même de CRCD. « Un administrateur qui a un intérêt dans une activité économique mettant en conflit son intérêt et celui de CRCD doit, sous peine de déchéance de sa charge, divulguer son intérêt et s’abstenir de voter sur toute décision touchant l’activité dans laquelle il a un intérêt. »

Or, le ministre n’a jamais évoqué cette possibilité. Il n’a même pas parlé d’un conflit d’intérêts, mais d’une « apparence de conflit d’intérêts ». On est loin d’une faute qui ternit la réputation de Mme Lalande.

Et qui plus est, peut-on imaginer que les autres membres du C. A. de CRCD n’auraient pas constaté un conflit si Mme Lalande avait eu à s’y pencher ?

Dans un communiqué, la principale intéressée soutient que le ministre a laissé entendre qu’« [elle] aurai[t] pu intervenir dans l’analyse de la demande de soutien financier présentée par la Coopérative d’employés de Groupe Capitales Médias (GCM) auprès de CRCD afin que cette demande soit refusée ».

Le ministre, dit-elle, aurait dû savoir que la demande de financement de la Coop GCM était trop petite pour qu’elle soit présentée au conseil de CRCD, qu’une telle demande est traitée « par les instances opérationnelles », le cas échéant. Plus précisément, en vertu des critères prévus par le CRCD, le conseil d’administration ne voit que les dossiers de financement de 20 millions ou plus.

Par la voix de son porte-parole Jean-Michel Nahas (Sylvie Lalande a refusé de me parler), elle dit s’être toujours pliée rigoureusement aux dispositions déontologiques des conseils d’administration, auxquels elle siège depuis 17 ans.

Pour abandonner son intention de poursuivre, Mme Lalande pose comme condition que le ministre s’excuse. Or, sur Twitter, le 4 décembre, Pierre Fitzgibbon a justement fait amende honorable. « Je suis désolé que l’impact de mes questions légitimes sur l’apparence de conflit d’intérêts de Mme Lalande ait pu lui porter offense. Ce n’était pas mon intention. »

Selon moi, cette affaire n’a aucune raison d’encombrer les tribunaux, et Mme Lalande devrait le savoir.