La transition du Québec vers des énergies plus propres a un coût. Plus de 2600 emplois disparaîtront d’ici 2030 si le gouvernement du Québec réussit à atteindre les objectifs fixés dans sa politique énergétique.

Ces pertes d’emplois seront concentrées dans le secteur du raffinage et de la vente d’essence et de mazout, selon la toute première étude réalisée par le comité de main-d’œuvre du secteur du pétrole et du gaz, que La Presse a obtenue.

Les ventes des raffineries dégringoleront de 1,8 milliard comparativement à leur niveau actuel, a aussi calculé Raymond Chabot Grant Thornton, qui a réalisé l’étude pour le compte du comité qui regroupe des représentants des entreprises, des travailleurs et des partenaires de l’industrie.

« On s’attendait à un impact, mais on voulait le chiffrer, explique Guillaume Legendre, directeur général du comité sectoriel. Notre message, c’est qu’il faut y penser aujourd’hui pour s’adapter et limiter les impacts. »

Politique énergétique 2030

Réduire de 40 % la consommation de produits pétroliers
Éliminer l’utilisation du charbon
Augmenter de 25 % la production d’énergie renouvelable
Améliorer de 15 % l’efficacité énergétique
Augmenter de 50 % la production de bioénergie

L’étude tient pour acquis que les objectifs contenus dans le plan d’action gouvernemental seront atteints. Elle examine 251 entreprises actives dans la distribution de gaz naturel, la production d’essence et de produits pétroliers, la fabrication de produits chimiques et de résines synthétiques, de même que le transport et la distribution de pétrole. Ces entreprises emploient actuellement 8555 personnes directement, un nombre qui augmente à 64 000 en comptant les activités qui y sont reliées.

En 2030, si la transition énergétique se déroule comme prévu, le nombre d’emplois total diminuerait de 2601.

Les stations-service, qui emploient la plus grande proportion de travailleurs du secteur, seraient les principales entreprises touchées, suivies par les raffineries.

Des gains sont prévisibles dans la distribution de gaz naturel et la fabrication de produits chimiques, mais ces gains ne seraient pas suffisants pour compenser les pertes d’activité dans les raffineries, conclut l’étude.

Un effort d’adaptation

Le secteur des énergies vertes devrait créer beaucoup d’emplois qui viendront compenser les pertes prévisibles du côté des énergies fossiles. « Il y aura des investissements à faire dans la formation de la main-d’œuvre », souligne Guillaume Legendre.

Selon lui, il faudra aussi s’assurer que les nouveaux emplois du secteur de l’énergie verte seront aussi intéressants que ceux qu’ils remplaceront, notamment en termes de rémunération.

Les emplois dans les raffineries comptent parmi les meilleurs emplois du secteur manufacturier, avec des salaires élevés qui varient entre 95 000 $ et 122 000 $.

Guillaume Legendre

Les investissements importants qui seront consacrés à la transition énergétique ne généreront peut-être pas des emplois aussi rémunérateurs s’ils se concentrent dans l’installation de technologies produites ailleurs, les panneaux solaires ou les éoliennes. « Par contre, tout ce qui est production peut être très intéressant », souligne le directeur général du comité qui porte le nom de Coeffiscience.

La fabrication de batteries pour véhicules électriques ou la transformation des installations de raffinage pour produire des biocarburants sont des avenues à explorer, avance Guillaume Legendre.

Entre 2015 et 2030, la demande d’énergie devrait augmenter de 5,8 %, prévoit le plan de transition du gouvernement québécois. La demande pour l’essence et le mazout devrait baisser, et celle pour le gaz naturel, augmenter.

Et même si un des objectifs poursuivis est l’élimination du charbon, la demande pour le charbon devrait augmenter pour alimenter la cimenterie McInnis de Port-Daniel, en Gaspésie, selon le scénario de référence du plan de transition.

Il y a des contradictions entre la politique et la réalité qu’il faudra réconcilier, convient Guillaume Legendre.