La volonté de « performer » est partout dans le monde des affaires. Mais lorsque le tout se transforme en crainte et que l'on répond en voulant en faire « toujours plus », il faut savoir déceler les alertes qui mènent aux crises d'anxiété et réapprendre à rester calme. Caroline Laverdure raconte son expérience.

« Tu veux toujours en faire plus, plus, plus, et là, la crise de panique arrive. C’est viscéral. C’est comme une crise cardiaque. Tu vomis. T’es plus capable de respirer. Et il faut appeler l’ambulance. »

Celle qui me raconte cela s’appelle Caroline Laverdure. Elle a 49 ans, a été entrepreneure commerciale, mais aujourd’hui, elle travaille surtout en immobilier. Elle gère des immeubles que sa famille possède depuis toujours. Il y a quelques années, elle a eu un UPS Store et une concession Sears dans les Laurentides, à Sainte-Agathe.

À travers tous ses projets, il y a une constante : le poids qu’elle se mettait sur les épaules pour réussir, le stress qui s’accumulait. Et un problème d’anxiété extrême qui la surveillait toujours par-dessus son épaule, prêt à la faire tomber.

« C’est très différent du burn-out parce qu’une fois la crise passée, tu es correcte. Ça prend trois jours », raconte-t-elle. 

Mais quand l’anxiété aiguë attaque, c’est lourd. Très lourd.

Les premiers signes montrant qu’elle prenait trop de responsabilités, qu’elle exigeait trop d’elle-même et gérait mal son stress et son anxiété sont arrivés sous la forme de migraines. 

T’as des maux de tête, de gros maux de tête, mais tu veux, tu veux, tu ne t’écoutes pas.

Caroline Laverdure

La volonté de performer semble normale dans le monde des affaires, les semaines de sept jours aussi. « Qui va te reprocher d’être “go go go” ? » La peur constante de perdre des clients semble aussi totalement standard, celle « de ne pas faire ses chiffres », tout comme le désir d’en faire plus avec l’entreprise, d’entreprendre autre chose constamment. Toujours pour chercher plus de succès, plus de gratification par le travail. Dans un tel contexte, personne ne se remet en question quand on met et remet la barre du succès toujours plus haut.

« On te dit qu’un jour tu vas crasher, mais on en demande aussi toujours plus. »

Quand elle a eu une crise d’anxiété pour la première fois en compagnie d’une de ses filles, qui ne comprenait pas ce qui arrivait à sa maman, avec l’ambulance et tout le tralala, ce ne fut pas un moment facile. « Maintenant, mes enfants le savent. » 

Et tout le monde reste calme. Le souffle coupé ? Le mal de cœur ? Maman a une crise de panique. « À un moment, j’en faisais une par mois », dit-elle.

Aujourd’hui, elles se sont beaucoup espacées.

Mais le chemin pour en arriver là n’a pas été facile.

Du Nord au Sud

L’histoire de Caroline dans le monde des affaires n’est pas en ligne droite. Longtemps, elle a surtout travaillé à gérer les entreprises familiales, en immobilier et une entreprise de buanderie commerciale, incluant une faillite qui a été difficile côté émotions, relate-t-elle.

Puis, il y a eu son projet à elle : un déménagement à Sainte-Adèle, deux nouvelles entreprises à Sainte-Agathe. Dans ses valises, elle a emporté son anxiété, celle qui lui faisait toujours vouloir aller trop vite.

Dans les Laurentides, « j’ai beaucoup appris », dit-elle. Mais rien n’était jamais zen. Là-bas, la Montréalaise se sentait même coupable de ne pas habiter collée sur ses commerces. Ça a duré cinq ans.

Aujourd’hui, elle a tout vendu. Elle est revenue dans la métropole avec ses trois enfants.

Et elle a appris, dit-elle, à écouter le chant des oiseaux.

Coach de vie

Les médecins l’aident quand elle a des crises de panique, parce qu’il faut être calmée, réhydratée, remise sur pied. Mais après, c’est terminé. Ce n’est pas sur eux qu’elle compte pour de l’aide. Elle a essayé de prendre des médicaments, mais ça n’a rien amélioré. La femme d’affaires préfère, pour toutes sortes de raisons personnelles, se tenir loin des comprimés. Aussi, trop souvent, dit-elle, elle a vu des gens s’automédicamenter. Ce scénario ne l’intéresse pas.

Sa solution, c’est une coach, qui a changé sa vie.

Le moment déclencheur pour aller la chercher : la mort de son père l’an dernier.

Cette coach de vie, dit-elle, lui a appris à vivre au quotidien avec son anxiété et à en faire une amie motivatrice, pas destructrice, avec des méthodes simples.

Au programme : du yoga, de la méditation, le développement de techniques de pleine conscience, de l’exercice physique, une meilleure alimentation.

« Tous les jours, je m’assois quand c’est le temps de manger, et je ne fais rien d’autre. Je savoure tranquillement. »

Caroline Laverdure voit bien que son problème n’est pas unique, dit-elle. Bien des gens ont les mêmes difficultés à contrôler leur anxiété. Des gens qui craignent toujours le pire, n’arrivent pas à faire le tri dans les peurs rationnelles et injustifiées. Des gens qui n’ont pas les bons réflexes et se construisent constamment des scénarios catastrophes dès que le moindre défi, la moindre difficulté survient. Des gens qui gèrent tout ça par la surenchère, l’hyperactivité.

La question qu’elle a aujourd’hui appris à se poser est très simple : « C’est quoi le pire qui puisse arriver ? » Et elle voit aujourd’hui que les réponses ne sont jamais aussi terribles qu’on peut l’imaginer quand on laisse l’anxiété prendre une place qu’elle ne mérite juste pas.