Il vient de se produire quelque chose d’inédit en Chine. Un citoyen croulant sous les dettes a déclaré faillite et s’est entendu avec ses quatre créanciers pour le remboursement graduel et partiel des sommes dues.

C’est un événement parce que la faillite personnelle n’existe pas en Chine, du moins pas officiellement. Le cas qui vient de survenir à Wenzhou, dans le sud-est du pays, va vraisemblablement servir d’exemple à l’État chinois, qui tente depuis plusieurs années d’imposer ce concept issu du monde capitaliste.

La Chine reconnaît depuis 2007 la possibilité pour les entreprises de déclarer faillite. En réalité, les entreprises en difficulté sont le plus souvent rescapées par les banques et les organismes appartenant au gouvernement. L’objectif est d’éviter les fermetures et les mises à pied massives et de ne pas faire peur à une population qui commence à apprivoiser l’économie de marché.

Les temps changent et l’ère de ce qu’on a appelé les entreprises zombies – maintenues artificiellement en vie par l’État – s’achève. L’augmentation du nombre d’entreprises en difficulté et surendettées pèse de plus en plus lourd sur les finances publiques.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Selon des chiffres cités par le Wall Street Journal, il y aurait pour l’équivalent de 319 milliards US de prêts problématiques dans les banques chinoises, un chiffre qui sous-estime probablement la réalité.

Le ralentissement de la croissance économique chinoise risque d’aggraver la situation. L’État a donc pris des mesures afin que ces entreprises puissent obtenir la protection des tribunaux pour se mettre à l’abri de leurs créanciers et se restructurer, puis éventuellement rembourser une partie de leurs dettes.

Les tribunaux mis sur pied pour traiter ces dossiers de faillite s’inspirent du modèle américain (et de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies au Canada), mais ils ne fonctionnent pas tout à fait de la même façon.

Le système américain prévoit que les créanciers ont préséance dans l’ordre de remboursement. Les actionnaires perdent la plupart du temps leur mise lors de faillites ou de restructurations. En Chine, les juges ont tendance à privilégier le remboursement des petits actionnaires avant celui des créanciers, pour éviter de ruiner les détenteurs d’actions et de provoquer des révoltes au sein de la population.

Une transition difficile

Le gouvernement chinois choisit encore les entreprises qui survivront et celles qui mourront, mais la loi du marché commence à s’imposer. Ce n’est pas une transition facile. Contrairement aux Américains, pour qui la faillite est l’occasion d’un nouveau départ, les Chinois considèrent plutôt que c’est un échec personnel.

C’est la raison pour laquelle les faillites personnelles risquent d’être rares, même si le gouvernement en généralise le recours, comme pourrait l’indiquer le premier cas qui vient de survenir à Wenzhou.

Mais un gouvernement autocratique dispose des moyens nécessaires pour imposer ses politiques. L’État chinois met déjà des millions de ses citoyens sur une liste noire pour différents motifs, comme celui de ne pas avoir payé ses dettes. Différentes sanctions sont liées à ces motifs, dont l’interdiction de voyager en train ou en avion.

Le système commence à donner des résultats. Selon le quotidien chinois Global Times, 3,5 millions de personnes en défaut de paiement ont réglé leurs dettes l’an dernier. Peut-être avant d’être forcées à déclarer une faillite personnelle…