Savoir partir au bon moment est « une autre façon de rendre service à une organisation », estime le président et chef de la direction de la Caisse de dépôt, Michael Sabia, qui quittera son poste en février après 11 années à la tête de l’organisation.

Son mandat avait été prolongé jusqu’en mars 2021 par le gouvernement Couillard.  

« À un moment donné, il faut décider que c’est le bon moment pour partir. Je suis le PDG qui est resté le plus longtemps », a-t-il précisé lors d’un entretien avec La Presse.

Michael Sabia, 66 ans, ne part pas à la retraite. « La retraite ? Jamais ! », s’écrie-t-il. Il a accepté la proposition de l’Université de Toronto de diriger l’École Peter Munk sur la gestion des affaires internationales et des politiques publiques.

Il ne part pas non plus parce que les signes de récession s’accumulent et que le rendement de la Caisse risque d’en souffrir. « Ce n’est pas un élément de ma réflexion », s’insurge-t-il.

À 6,1 %, le rendement de la Caisse après les six premiers mois de l’exercice en cours est inférieur à celui de son indice de référence. Michael Sabia refuse de s’avancer sur la performance de 2019, mais il affirme que le portefeuille de la Caisse a été bâti pour faire face aux risques de récession. « Quand les marchés sont en forte hausse, nous sommes à l’aise de sous-performer », justifie-t-il.

À l’inverse, si les marchés baissent, la Caisse livrera à ses déposants les rendements dont ils ont besoin, soutient Michael Sabia.

Un regret : Otéra

Celui dont la nomination avait soulevé beaucoup de scepticisme se dit fier de l’équipe qu’il laisse derrière lui. Il ne regrette aucune des décisions d’investissement prises sous sa gouverne. « Dans la grande majorité des cas, nos investissements performent bien. Ce n’est pas parfait, mais ça ne l’est jamais. »

Si Michael Sabia a un regret, ce sont les problèmes de gouvernance qui ont entaché la filiale immobilière Otéra et toute l’organisation, au début de 2019. La Caisse a dû congédier des dirigeants pris en situation de conflit d’intérêts. « Ce sont trois personnes qui ont contrevenu à nos valeurs et ç’a été un moment difficile », a-t-il admis.

Le REM : des « impacts de transition »

Avec Michael Sabia, la Caisse de dépôt s’est lancée pour la première fois dans la construction d’infrastructures, avec le REM. Le président part alors que ce projet est inachevé et de plus en plus critiqué, surtout à cause de l’impact qu’il aura pendant des années sur la mobilité des personnes.

Le président de la Caisse rétorque qu’il ne laisse pas une barque qui tangue. Il s’agit « d’impacts de transition », que son organisation s’efforce d’atténuer. « Mon rôle fondamental était dans la conceptualisation du projet, qui a été finalisée il y a longtemps », ajoute-t-il. Le projet avance très bien, selon lui.

Michael Sabia affirme qu’il sera là pour l’inauguration du REM, pas comme président de la Caisse de dépôt, mais comme Montréalais. « Montréal, c’est chez nous », dit-il.

En attendant la date maintenant définitive de son départ, Michael Sabia continuera de travailler comme d’habitude, c’est-à-dire à fond.

« Je ne connais que deux choses chez moi, le “ on » et le « off ». Et je serai à « on ” 18 heures par jour, sept jours sur sept. »

Ils ont dit :

Une femme à la direction ?

Certainement, la Caisse est mûre pour être dirigée par une femme. Je n’ai pas vu le profil de ce qu’on cherche, mais on cherche la meilleure personne pour gérer la Caisse. Il serait très possible que ce soit une femme. […] Oui, des noms ont circulé, et ce sont des personnes très compétentes, mais il est possible qu’il y ait une femme que nous ne connaissons pas ou un homme qui surprenne le comité de sélection.

Le ministre des Finances, Eric Girard

Une récession à prévoir

La plus grande contribution de Michael a été d’amener une équipe de direction solide. Je pense qu’on doit lui donner beaucoup de crédit pour le rehaussement de l’équipe de direction et de la gestion du risque. [Dans les années à venir], on va avoir une récession, on va avoir un ralentissement, c’est sûr. Je pense que ça prend quelqu’un qui a vécu des cycles économiques. Il faudra être plus posé sur nos risques. Mais je pense que la Caisse de dépôt aujourd’hui a une équipe de direction très chevronnée, et ce n’est pas la même Caisse qu’on avait en 2008 ou 2007. […] La compétence va primer et il y a autant d’hommes que de femmes qui peuvent être capables de faire cet emploi-là.

Le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, qui a déjà été membre du conseil d’administration de la Caisse de dépôt sous la gouverne de M. Sabia

Un merci du premier ministre

Je le remercie pour le travail qu’il a fait. On a eu des bons rendements à la Caisse de dépôt pendant qu’il était là. C’était un excellent gestionnaire, un gros travaillant et un homme brillant. Il m’a offert d’ailleurs son aide pour des mandats de toutes sortes, pour le REM. Il va beaucoup regarder ce qui se passe avec les États-Unis et la Chine, donc on va pouvoir collaborer. Il va y avoir un processus qui va être mis en place par le conseil d’administration de la Caisse de dépôt pour identifier un successeur.

Le premier ministre, François Legault

Le temps du changement

Le départ de M. Sabia doit être l’occasion pour la Caisse de dépôt d’opérer un véritable changement de culture. On s’attend à ce que des balises éthiques plus claires soient établies : fini les placements dans des filières domiciliées dans des paradis fiscaux ou dans des industries mortifères comme celle du tabac, fini les partenariats avec des États qui violent les droits humains, et surtout, fini les investissements dans les secteurs polluants comme les hydrocarbures, qui n’ont plus leur place dans notre portefeuille collectif.

Le porte-parole de Québec solidaire en matière de finances, Vincent Marissal

À la hauteur

Nous saluons la carrière de Michael Sabia au service des Québécois. La direction de la Caisse de dépôt est une responsabilité énorme, celle d’assurer la retraite des Québécois. Il a su être à la hauteur de cette responsabilité, et nous l’en remercions.

Le porte-parole du Parti québécois en matière de finances, Martin Ouellet

 – avec la collaboration de Tommy Chouinard,  La Presse