L’ouverture, hier à Montréal, de la 40e assemblée générale de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a mis en relief deux visions complètement opposées de ce que devrait être l’avenir de l’industrie aéronautique en matière environnementale.

Alors que d’un côté, l’Association internationale du transport aérien (IATA), qui représente les transporteurs aériens, implorait les pays membres de l’OACI de ne pas imposer de mesures de tarification additionnelles, un regroupement d’environnementalistes déplorait la « salade » que représente le programme que s’est imposé l’industrie.

« Nous contribuons à hauteur de 2 % aux émissions globales de carbone », a reconnu hier matin, dans une conférence téléphonique, le directeur général de l’IATA, Alexandre de Juniac.

Selon les environnementalistes, la contribution de l’industrie aérienne au réchauffement climatique est en fait de 5 %, en tenant compte de l’émission d’autres polluants.

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Alexandre de Juniac, directeur général de l’IATA

Cette contribution est sous les projecteurs et sera au centre de l’attention de cette assemblée de l’OACI.

Alexandre de Juniac, directeur général de l’IATA

M. de Juniac a aussi rappelé que le passager moyen génère aujourd’hui 50 % moins d’émissions qu’en 1990.

Les États membres de l’OACI se réunissent pour une grande assemblée tous les trois ans, au siège social de Montréal. C’est lors de l’assemblée précédente qu’a été adopté CORSIA, un programme qui impose à l’industrie une « croissance neutre » de ses émissions à compter de 2020. Les émissions supplémentaires à celles de 2020 devront donc faire l’objet de compensations.

Ces compensations peuvent prendre de multiples formes, de la plantation d’arbres à la subvention de programmes de remplacement de sources énergétiques polluantes dans d’autres industries.

Bien que plusieurs pays, représentant 77 % de l’activité aéronautique mondiale selon l’OACI, se soient déjà engagés à y participer dès 2021, il ne sera pas obligatoire avant 2027. À plus long terme, en 2050, l’industrie devrait ramener ses émissions « nettes », donc après compensations, à la moitié de ce qu’elles étaient en 2005.

Écoblanchiment

Pour le fondateur du Pacte pour la transition, Dominic Champagne, CORSIA n’est toutefois « qu’une vaste opération de greenwashing [écoblanchiment] ».

En réalité, a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse regroupant plusieurs militants écologistes, dont Greenpeace Canada, les émissions de gaz à effet de serre provenant de l’industrie aéronautique « devraient augmenter d’au moins 300 % d’ici 2050 ».

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Dominic Champagne, fondateur du Pacte pour la transition

On ne s’oppose pas à la plantation d’arbres, mais ce n’est pas suffisant. Ce qu’il faut, c’est d’abord réduire les gaz à effet de serre.

Dominic Champagne, fondateur du Pacte pour la transition

À la différence d’autres mécanismes de taxation et de compensation pour les émissions de carbone, dont ceux mis en place par Québec et Ottawa, CORSIA ne prévoit aucun plafonnement des émissions réelles, a déploré le porte-parole de Greenpeace, Patrick Bonin.

Taxe sur les vols

Le regroupement d’organismes qui porte le nom de Coalition avenir climat croit donc qu’il faut absolument réduire le nombre de vols et formule deux demandes pour y parvenir, à commencer par l’implantation d’une taxe. Il décrit cette taxe comme « progressive », dans la mesure où elle pourrait être modulée pour toucher davantage les voyageurs fréquents, les acheteurs de billets de première classe ou les utilisateurs d’avions privés.

Dans un deuxième temps, on souhaiterait aussi l’imposition d’un moratoire sur la construction de nouveaux aéroports ou l’agrandissement d’aéroports existants. Deux projets d’agrandissement sont actuellement dans les cartons au Québec, soit la construction d’un nouveau terminal à Montréal–Trudeau et d’une aérogare à Saint-Hubert.

L’idée d’une taxe va à l’encontre de ce qu’a exigé l’IATA dans une conférence téléphonique tenue hier matin.

« La force de CORSIA est d’être un programme unique qui fonctionne de la même façon partout, a fait valoir M. de Juniac. Si les États prennent des mesures unilatérales qui s’ajoutent à CORSIA, cela va significativement débalancer le programme et le menacer. »

L’industrie aéronautique a déjà réussi à éviter d’être soumise à l’accord de Paris sur le climat. Elle souhaite que le programme qu’elle s’est elle-même donné, « après de très difficiles négociations pour éviter une courtepointe de mesures nationales comme des taxes qui pourraient limiter la compétitivité », continue d’être le seul à s’appliquer, a rappelé hier le président du conseil de l’OACI dans son discours d’ouverture.

« Nous croyons que c’est possible à la fois de voler et de réduire notre empreinte de carbone, a affirmé M. de Juniac. L’ennemi n’est pas le fait de voler. Le vrai ennemi, c’est le carbone. »