Dans l’univers de la finance, le titre de CFA est l’étalon d’or. Ces trois lettres prestigieuses signifient Chartered Financial Analyst. Mais en les trafiquant un peu, le sigle pourrait aussi vouloir dire : Cool, les filles, allez-y !

La profession manque cruellement de femmes. Chez CFA-Montréal, les femmes ne forment que 17 % des membres. Pour la relève, ce n’est guère mieux. Parmi les candidats qui se présentent à l’examen, les femmes ne forment que le quart des troupes (26,5 %). D’accord, ce pourcentage a grimpé au cours des dernières années. Mais on est encore loin des autres professions.

Depuis l’an dernier, il y a plus de femmes que d’hommes médecins au Québec, ce qui n’était qu’une question de temps, puisque 63 % des étudiants sont des étudiantes.

La parité est aussi atteinte dans le domaine du droit : les femmes représentent 54 % des avocats au Québec, qui demeure toutefois la seule province où elles sont majoritaires.

Mais en finance, les femmes restent une denrée rare… quoique hautement convoitée !

« Il n’y a pas assez de femmes », assure Margaret Franklin qui vient d’être nommée à la tête du CFA Institute, qui regroupe 170 000 membres à travers le monde. C’est la première fois que cette organisation est dirigée par un membre du Canada, et par une femme de surcroît.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Margaret Franklin, récemment nommée à la tête du CFA Institute

« Est-ce que je sens que c’est difficile d’être une femme en finance ? Non ! À ce stade-ci dans ma carrière, je suis une ressource très populaire, je suis un actif hautement recherché, comme beaucoup de femmes de mon âge et de mon niveau le réalisent », m’a-t-elle confié en marge de la conférence des femmes dans la gestion des investissements qui se déroulait hier à Montréal.

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Dire qu’elle est entrée dans le monde de la finance par accident !

Le gestionnaire d’actifs State Street l’avait embauchée, en 1992, parce qu’elle se débrouillait bien avec les fichiers Excel, qu’elle écrivait de bons rapports et pouvait faire de jolies présentations… dans la mesure où les logiciels de l’époque le permettaient.

Je ne connaissais rien aux finances. Mais la première chose qui m’a plu, c’est le flot de données provenant des marchés qui permettaient de mesurer la peur et l’appétit pour le risque.

Margaret Franklin, présidente et chef de la direction du CFA Institute

En finances, elle savait qu’elle ne s’ennuierait jamais, car le métier incorpore toutes sortes de disciplines : politique, économie, histoire, psychologie… Pas juste des maths, comme certaines jeunes filles se l’imaginent, ce qui limite peut-être leur enthousiasme pour la profession.

Des maths, il y en a tout de même un peu. Mme Franklin se souvient d’avoir étudié, en plein jour de la fête des Mères, le modèle de Black Scholes qui permet d’évaluer les options. Rassurez-vous, son fils a survécu, lui qui n’avait que 3 mois lorsqu’elle a fait le premier des trois examens du CFA.

« Oui, c’est possible d’avoir une famille et une carrière en finances », dit la dame qui passera désormais le tiers de son temps dans des avions entre les bureaux américains, européens et asiatiques du CFA Institute.

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Dans son nouveau rôle, elle aura l’occasion de promouvoir la diversité au sein des institutions financières.

On peut faire mieux en ayant des gens qui amènent une pluralité de points de vue autour de la table. On peut résoudre les problèmes plus facilement.

Margaret Franklin, présidente et chef de la direction du CFA Institute

Selon son expérience, les femmes qui sont gestionnaires de portefeuille ont une approche plus holistique de la gestion du risque. Elles ont une vision plus large, à plus long terme. Et elles ont moins tendance à pécher par excès de confiance. C’est une question hormonale, comme l’ont démontré les études de John Coates, chercheur en neurosciences et en finances à l’Université de Cambridge.

Bref, les femmes ont beaucoup à apporter au monde de la finance. Reste à les convaincre de faire le saut dans un métier dont la réputation a été malmenée par la crise financière.

« Notre travail est de faire comprendre aux jeunes que c’est un métier noble et qu’elles ont les compétences nécessaires. Quand on peut aider les investisseurs avec leur argent, c’est une activité très valorisante », assure Mme Franklin.

Certains indices me permettent de croire que les filles vont répondre à l’appel.

Par exemple, je me réjouis quand je regarde du côté du Fonds de placement étudiant HEC. Ce club d’investissement qui permet aux étudiants de faire leurs premières armes en investissement a toujours eu un très fort contingent masculin. Mais il est maintenant dirigé par une fille.

Je suis aussi heureuse de savoir que le vénérable concours de placement Bourstad qui attire 2370 participants de 72 écoles secondaires, cégeps et universités est presque aussi populaire chez les filles, qui représentent 46 % des troupes.

Les temps ont changé depuis l’apparition du concours il y a 33 ans, alors que les trois quarts des participants étaient des garçons. Pour intéresser les filles, l’Autorité des marchés financiers (AMF) et CFA Montréal ont créé des prix qui leur sont spécialement destinés.

Bravo ! Ça marche. Il faut davantage d’initiatives de ce genre.