(Laval) Alimentation Couche-Tard veut être l’un des « acteurs incontournables » dans le marché nord-américain du cannabis et compte se servir du Canada, où la consommation de cette substance à des fins récréatives est légale, pour atteindre cet objectif.

Mais le savoir-faire développé par l’exploitant de dépanneurs et de stations-service échappera au Québec, où les ventes s’effectuent par l’entremise de la Société québécoise du cannabis, a déploré le fondateur et président exécutif du conseil d’administration de Couche-Tard, Alain Bouchard, mercredi, au cours d’une entrevue en marge de l’assemblée annuelle des actionnaires qui se déroulait à Laval.

« Je crois que c’est dommage pour le Québec parce que cette expertise s’en ira à l’extérieur du Québec, a-t-il dit, aux côtés du président et chef de la direction du détaillant, Brian Hannasch, et du chef de la direction financière, Claude Tessier. Lorsque nous allons déployer un réseau aux États-Unis ou toute autre expérience en sol américain, cela se fera depuis l’extérieur du Québec. »

Dans le passé, l’homme d’affaires avait dénoncé à plus d’une reprise les incursions du gouvernement dans le secteur du commerce de détail et critiqué la Société des alcools du Québec pour son monopole.

Incapable de percer le marché québécois du cannabis, la multinationale a plutôt décidé de se tourner vers Fire & Flower, en investissant dans ce détaillant albertain dans le cadre d’une transaction qui pourrait lui permettre, à terme, d’acquérir une participation majoritaire dans cette société. Cela s’ajoute à son partenariat déjà en vigueur avec le géant canadien du cannabis Canopy Growth entourant l’exploitation de boutiques privées.

Même si le marché du cannabis récréatif en est encore à ses balbutiements, Couche-Tard désire faire ses classes afin de mettre sur pied une stratégie prête à être déployée ailleurs, où la réglementation le permet, a expliqué M. Bouchard.

« C’est encore tout petit, a-t-il lancé. Nous allons apprendre de cela et je crois vraiment que nous pouvons réussir. »

L’entreprise a bien entendu les yeux tournés vers les États-Unis, où la consommation récréative est légale dans 13 États, mais elle doit prendre le temps de bien connaître les règles du jeu, a expliqué M. Hannasch, qui croit que Couche-Tard est bien outillée en matière de vente de produits soumis à un âge minimal.

Couche-Tard a déjà commencé à vendre des produits au cannabidiol — un des composés du cannabis — dans certains de ses établissements aux États-Unis et en Irlande.

« C’est un peu le Far West, mais je crois que nous avons une place dans ce marché, a souligné M. Hannasch. Mais ce n’est que le début. »

D’ici 2023, la multinationale souhaite doubler son résultat avant intérêts, impôts et amortissements (BAIIA), qui a été d’environ 4 milliards l’an dernier. Elle n’a toutefois pas identifié la marijuana comme un vecteur de croissance dans son plan stratégique en raison des nombreuses incertitudes réglementaires.

M. Hannasch n’a pas caché que le marché de la marijuana récréative pourrait toutefois faciliter la tâche de la société, qui exploite actuellement un réseau d’environ 16 000 points de vente au Canada, aux États-Unis, en Europe, en Amérique latine, en Asie ainsi qu’au Moyen-Orient.

Fidéliser la clientèle

Entre-temps, le détaillant espère que sa croissance interne lui permettra de générer la moitié de l’augmentation de son BAIIA. L’entreprise souhaite particulièrement s’attarder aux clients de la génération du millénaire, « moins loyaux envers les magasins, mais plus loyaux envers les marques », a estimé M. Bouchard.

Couche-Tard souhaite offrir des solutions de paiement plus efficaces et rapides et a commencé à déployer au Canada sa plateforme numérique Lift, qui propose des offres personnalisées aux consommateurs. La compagnie teste également la livraison à domicile au Texas et élargit son offre de produits alimentaires et de boissons.

En dépit du prix actuellement élevé des cibles d’acquisition, la multinationale a l’intention de continuer à avaler d’autres entreprises, mais il est difficile de préciser quand une transaction se concrétisera, a dit M. Bouchard, en réponse à un actionnaire, au cours de l’assemblée.

Couche-Tard était intéressée à la chaîne régionale de dépanneurs Cumberland Farms, établie dans le Massachusetts, mais c’est la britannique EG Group qui a finalement raflé ce réseau de 570 magasins en juillet dernier.

« Les multiples étaient hors de portée pour nous, mais il y a d’autres occasions », a indiqué M. Bouchard, évoquant au passage l’Amérique du Sud ainsi que l’Europe.

Récemment, dans un rapport, l’analyste Keith Howlett, de Desjardins Marchés des capitaux, avait souligné que la concurrence était féroce en matière de consolidation, notamment en raison des ambitions d’EG Group.

Couche-Tard en 2019 

— Bénéfice net : 1,8 milliard US (+10 %)

— Revenus : 59,1 milliards US (+15 %)

— Résultat avant intérêts, impôts et amortissements : 4 milliards US (+11 %)