On en parle peu parce qu’elles sont loin. Mais des PME francophones ont fleuri un peu partout au Canada. Au programme cet été : tourisme entrepreneurial ! Aujourd’hui : les habitations en conteneurs de Novhaüs, à Edmonton

Aurélien Balandona est un entrepreneur camerouno-canadien francophone de l’Alberta qui s’est inspiré de son expérience en Belgique pour construire des maisons à partir de conteneurs à Edmonton.

D’accord, reprenons du début.

Aurélien Balandona est né au Cameroun. « Ma première langue est le français », indique-t-il.

Il a étudié à Yaoundé en mécatronique – « c’est un peu de la mécanique, de l’électronique, de l’électricité, de la robotique… », explique l’ingénieur.

« J’ai commencé dans le monde pétrolier, puis une entreprise en Belgique m’a recruté. J’étais responsable du bureau d’études, pour tous leurs projets dans le monde entier. »

L’entreprise exploitait des plantations de palmiers à huile et des raffineries dans une dizaine de pays africains et asiatiques.

Malheureusement, la crise économique de 2009 a fait des dégâts.

Aurélien Balandona est alors repassé de l’huile de palme à l’huile de pierre. Suivant la piste du pétrole, il est arrivé à Calgary en 2010.

Une idée !

Cinq ans plus tard, une autre crise, celle de la chute du prix du pétrole cette fois, lui coûte son emploi. Mais l’homme est entreprenant, dynamique, et il foisonne d’idées.

L’une d’elles touchait l’habitation.

« Je n’étais pas content des maisons que je voyais au Canada. Je me suis dit : il y a une opportunité de faire quelque chose qui est différent, de proposer quelque chose qui est beaucoup plus durable. »

Et voici le lien avec la Belgique.

Dans les raffineries d’huile de palme dont il supervisait la construction, les camps des ouvriers et les bureaux étaient fréquemment fabriqués avec des conteneurs. « Il fallait juste voir comment le faire du côté fabrication en série pour le résidentiel. »

Plus ce petit détail : « M’adapter au code de construction canadien. »

ILLUSTRATION FOURNIE PAR NOVHAÜS

Les maisons conçues par Novhaüs ne laissaient pas deviner qu’elles consistaient en des conteneurs assemblés.

Un puzzle, pas un Lego

Diogène vivait dans un tonneau, veut la légende. Aurélien a suggéré d’habiter dans un conteneur. Profitant de la résistance structurale de la caisse d’acier, Novhaüs a conçu des habitations aux formes étonnamment complexes.

« On part du plan final et, de là, on se demande comment les conteneurs peuvent être interconnectés, décrit l’entrepreneur. S’il est nécessaire de les découper à des endroits spécifiques pour faire des ouvertures ou donner un espace plus grand, on va le faire. »

Les modules sont ensuite assemblés sur le chantier.

Mais attention, ce n’est pas un simple jeu de blocs.

PHOTO FOURNIE PAR RDÉE CANADA

Le 11 septembre 2018, à Vancouver, Aurélien Balandona a reçu le prix de l’Entreprise dirigée par un entrepreneur immigrant au gala des Lauriers de la PME, qui souligne l’excellence des entrepreneurs francophones en situation linguistique minoritaire.

« Quand les gens disent que c’est un Lego, ça paraît facile, mais c’est faux. Je n’aime pas ce mot. C’est un puzzle. Il faut savoir où mettre les connexions. »

Faire ses preuves

Aurélien Balandona a d’abord dû convaincre les autorités municipales.

« Il fallait les éduquer sur les techniques de construction, raconte-t-il. J’étais pratiquement la première personne à le faire. »

Au milieu de la crise qui frappe l’Alberta, les banques ne montrent cependant aucun transport d’enthousiasme devant les conteneurs domiciliaires.

« Généralement, on dit que les gens sont prêts à payer quand ils touchent. On a donc créé un petit modèle et les gens ont pu avoir une idée de ce que ça représente. »

Le 6 octobre 2016, ce petit pavillon de plain-pied est présenté au public.

Les débuts sont prometteurs. L’entreprise compte jusqu’à une douzaine de personnes. Elle propose un éventail de maisons unifamiliales, où on ne discerne pas la structure sous-jacente à base de conteneurs.

Trois maisons sont construites. Des reportages sont réalisés par Radio-Canada Alberta, CTV et le Globe & Mail.

Mais la suite, on le devine, n’a pas été facile.

Car c’est justement dans la diversité de ces modèles que le piège se cache.

« Beaucoup de personnes se disent que quand on construit des maisons avec des conteneurs, c’est moins cher. Oui, c’est moins cher si les maisons sont identiques et si les gens ne font pas de modifications. »

Et un autre péril guette.

Concurrence

Coïncidence ? Quelques mois après la fondation de Novhaüs, une deuxième entreprise de construction domiciliaire à base de conteneurs naît à Edmonton.

Une troisième est fondée en 2018 par un promoteur immobilier.

Le marché se resserre.

« Nous étions les pionniers, confie Aurélien Balandona, et dès lors, nous nous sommes reconvertis vers les projets commerciaux. Nous avons décidé de ne plus faire du résidentiel. »

Un motel à Jasper

Le siège social de Novhaüs, au sud d’Edmonton, occupe un édifice en tôle d’acier situé dans un secteur industriel près de l’aéroport.

Mais ces temps-ci, Aurélien Balandona est plus souvent dans la région de Jasper, où il supervise le chantier d’un nouveau projet.

Sur un terrain dégagé, bordé d’un bois de conifères, une série de longs parallélépipèdes sont en cours d’empilement. Sous les fourrures, des marques comme Hapag-Lloyd et CAI apparaissent sur les parois d’acier, percées d’ouvertures.

« C’est un projet pour un motel, assez futuriste : 40 chambres, 2 étages. Tous les systèmes sont décentralisés. Ça n’a jamais été fait au Canada. »

ILLUSTRATION FOURNIE PAR NOVHAÜS

Le projet de motel en conteneurs, quand il sera terminé.

Deux autres projets sont en cours de conception, dont un immeuble de 3 étages et de 12 appartements.

Il veut construire « des hôtels, des condos, des quadruplex, des maisons en rangée… »

Bref, des logements multiples, dont l’unité se répète.

« On a également essayé de réduire notre personnel », indique-t-il.

L’entreprise, qui fait affaire avec six ou sept sous-traitants, emploie pour l’instant quatre personnes.

« Je rencontre des obstacles tous les jours, même aujourd’hui, reconnaît-il. Un entrepreneur, c’est ça, en fait. »

Balandona n’abandonne pas.

Novhaüs

Fondation : 2015 Fondateur : Aurélien Balandona Activités : construction d’immeubles à partir de conteneurs Siège social : Edmonton, Alberta Nombre d’employés : 4

Alberta

Population : 4 067 175 Langue maternelle française : 72 150

Edmonton

Population : 932 546 Langue maternelle française : 17 705 Source : recensement de 2016