Saputo n’a pas chômé au cours des deux dernières années en réalisant pas moins de sept acquisitions, dont la plus importante, Dairy Crest, au Royaume-Uni, a marqué le retour du transformateur laitier montréalais sur la scène européenne.

Cette dernière acquisition a été faite en avril dernier au prix de 2,1 milliards et a été contributive aux derniers résultats trimestriels de Saputo, dévoilés hier en marge de l’assemblée annuelle de ses actionnaires, à Laval.

L’entreprise a enregistré un chiffre d’affaires de 3,66 milliards au premier trimestre de son exercice 2020, en hausse de 12,3 % par rapport à l’an dernier.

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Lino Saputo Jr., président et chef de la direction de Saputo, hier, lors de l’assemblée annuelle des actionnaires de l’entreprise, à Laval

Le bénéfice d’exploitation a totalisé 358 millions, en hausse de 16,4 %, alors que le bénéfice net ajusté s’est élevé à 164,9 millions, en hausse de 2,9 % par rapport à l’année précédente.

L’acquisition de 2,1 milliards de Dairy Crest a haussé le taux d’endettement de Saputo à un ratio de 3,2 fois son bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA), alors que son ratio habituel est de l’ordre de 2 fois le BAIIA.

« On se donne deux ans pour revenir à notre ratio habituel grâce aux profits et aux liquidités que l’on va générer. Mais on est présentement dans un mode digestif », a convenu le PDG Lino Saputo, à l’issue de la rencontre avec les actionnaires.

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Lino Saputo Jr. ne cachait pas son soulagement d’avoir pu enfin constater, au cours du dernier trimestre, une hausse généralisée des prix, et ce, dans l’ensemble des marchés où l’entreprise est active, c’est-à-dire au Canada, aux États-Unis, en Argentine, en Australie ainsi qu’au Royaume-Uni.

« C’est la première fois en 24 mois qu’on assiste à une hausse des prix, et ce, dans tous nos marchés », observe avec contentement le PDG de Saputo, qui a enregistré un recul de son bénéfice net au cours de son dernier exercice financier en raison de la faiblesse des prix.

Lino Saputo affichait aussi, hier, un bel optimisme par rapport au retour de son entreprise sur le marché européen après une première incursion non concluante au milieu des années 2000 à la suite d’acquisitions en Angleterre et en Allemagne.

« À l’époque, on avait acquis deux petits fabricants qui n’avaient pas de marques distinctives. Ils fabriquaient du fromage mozzarella comme s’il s’agissait d’une simple commodité. Tous les autres producteurs qui se retrouvaient en surcapacité inondaient le marché à meilleur prix.

« Avec Dairy Crest, on dispose maintenant d’une entreprise qui produit du cheddar vieilli de 18 mois, 3 ans et 5 ans, des fromages qui ont donc une valeur ajoutée. Ce sont des marques fortes au Royaume-Uni, mais qui ont un très bon potentiel pour les marchés d’exportation », souligne Lino Saputo.

Déclin du lait et marchés alternatifs

Après avoir quitté l’Europe en 2013, Saputo y revient donc en force avec une présence en Grande-Bretagne, ce qui lui permettra également de solidifier sa position sur les marchés d’exportation.

Les États-Unis, l’Australie et la Grande-Bretagne totalisent 68 % des exportations mondiales de produits laitiers. On a une bonne présence sur ces marchés et on va s’en servir comme plateforme pour nos exportations.

Lino Saputo Jr., PDG de Saputo

Le PDG de Saputo constate par ailleurs que la consommation de lait affiche un déclin dans plusieurs marchés, notamment au Canada, où on enregistre une baisse moyenne de la consommation annuelle de l’ordre de 2 %.

« C’est un fait pour le lait, mais pas pour les autres catégories de produits laitiers que l’on fabrique, où on observe des hausses », explique Lino Saputo.

On le sait, le lait a moins bonne presse au pays depuis notamment que le Guide alimentaire canadien en a réduit ses qualités nutritives dans la diète qu’elle recommande. Et les producteurs laitiers n’échappent pas à la popularité grandissante des régimes alimentaires qui bannissent les protéines animales.

Est-ce que Saputo pourrait un jour se lancer dans la production de lait de soya ou d’amande ?, a demandé un actionnaire durant la période des questions.

Lino Saputo n’écarte pas cette avenue. Saputo est déjà en pourparlers avec des fabricants de boissons de protéines végétales avec lesquels elle pourrait s’associer, ou alors son expertise industrielle et de distribution pourrait profiter à des groupes qui veulent prendre de l’expansion.

Comprenons bien qu’il n’est pas question pour Saputo de délaisser la transformation laitière, mais l’entreprise tient à bien répondre aux goûts évolutifs des consommateurs.

Une chose, toutefois, est bien certaine : pas question pour Saputo de se lancer dans la production de produits qui contiendraient du cannabis, peu importe sa forme. Va pour le végétalisme, mais pas pour le lait au chocolat qui ferait planer.