La société minière Champion Iron, qui a relancé l’an dernier l’exploitation du gisement de minerai de fer de la mine du Lac Bloom sur la Côte-Nord, à proximité de la ville de Fermont, a dévoilé cette semaine des résultats financiers qui apparaissent aujourd’hui miraculeux par rapport au prix de 10,5 millions qu’elle a déboursé il y a trois ans pour le rachat et le redémarrage de cet immense projet minier désaffecté.

Champion a enregistré des revenus de 278 millions de dollars à son premier trimestre 2019 et a été en mesure de dégager un bénéfice d’exploitation de 166,9 millions et un bénéfice net de 74 millions.

Pour le trimestre terminé le 30 juin, la minière québécoise a produit 1,9 million de tonnes de concentré de minerai de fer. Une production qui a été absorbée par une douzaine de grands clients japonais et chinois, surtout, mais également du Moyen-Orient et de l’Europe.

La production annuelle du gisement de la mine du Lac Bloom prévue est de l’ordre de 7,5 millions de tonnes. Mais la grande beauté de l’opération, c’est que Champion extrait du minerai de fer à haute teneur (P66), pour lequel ses clients paient une prime de l’ordre de 20 % par rapport au prix de référence moyen de l’indice P62.

« Notre minerai de fer, contrairement à la grande majorité de celui que l’on extrait en Chine, ne contient pas de phosphore et contient très peu d’aluminium. Ce qui facilite sa transformation dans les aciéries. On recherche de plus en plus cette qualité parce qu’elle est beaucoup moins polluante », me précise David Cataford, PDG de Champion.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

David Cataford, PDG de Champion

Celui-ci hoche la tête lorsque j’évoque l’aspect miraculeux du retournement que l’on observe avec le gisement de fer de la mine du Lac Bloom et les résultats financiers qu’en retire aujourd’hui Champion, trois ans après avoir injecté seulement 10,5 millions pour racheter les actifs canadiens de la minière Cliffs Natural Resources, qui connaissait de graves problèmes financiers à l’époque.

Il faut rappeler que le projet de mine de fer du Lac Bloom a débuté lorsque la société minière canadienne Consolidated Thompson a entrepris l’aménagement du site en y investissant 1,2 milliard US de 2008 à 2011.

La flambée des prix du minerai de fer, alimentée par la folle demande chinoise, amène la société américaine Cliffs Natural Resources à payer 4,9 milliards US pour racheter l’opération de la Consolidated Thompson. Le prix de la tonne de fer, qui s’échangeait à 64 $ en 2008, en valait 185 $ lorsque Cliffs fait l’acquisition des installations de Lac Bloom.

La société américaine a injecté 2,4 milliards additionnels dans le projet d’exploitation de la mine, mais a dû cesser abruptement ses activités en juillet 2014 et se placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers lorsque le prix de la tonne de fer a chuté sous les 80 $ US.

C’est dans ce contexte que Champion a racheté les actifs de Cliffs dans Lac Bloom, en janvier 2016, pour 10,5 millions avec l’aide de Ressources Québec (le bras d’investissement minier du gouvernement québécois), avec qui on a formé la société Minerai de fer Québec.

Au total, Ressources Québec a investi 45 millions dans Minerai de fer Québec, dans laquelle elle détenait 36,8 % des actions, et dans Champion Iron, où elle a injecté 6 millions.

« On a annoncé il y a trois mois qu’on rachetait la participation de Ressources Québec pour 211 millions, mais l’institution a toujours 37 millions d’actions de Champion qui valent aujourd’hui plus de 70 millions », souligne David Cataford.

L’ingénieur minier connaît bien le dossier, puisqu’il a travaillé chez Consolidated Thompson à partir de 2010 avant de passer chez Cliffs dans la foulée de la transaction. Il s’est joint à Champion en 2014 alors que l’entreprise développait d’autres projets de développement de gisement de minerai de fer.

David Cataford est convaincu de la pérennité des activités de la mine du Lac Bloom. L’exploitation du gisement est profitable à un prix de 50 $ US la tonne, bien en deçà des 130 $ actuels, et le gisement pourrait avoir une durée de vie de 40 ans.

Il y a quatre ans, lors d’un reportage sur la Côte-Nord, j’avais pu constater les ravages qu’avait provoqués la fermeture de la mine de fer du Lac Bloom, un an après la cessation des activités. Plus de 600 personnes avaient perdu leur emploi et la région de Sept-Îles avait observé une baisse de 25 % de son activité économique.

Aujourd’hui, Champion emploie plus de 375 personnes sur le site de la mine à Fermont et prépare la construction d’une deuxième usine de transformation qui doublerait la production annuelle de minerai de fer.

« On a réalisé une étude de faisabilité et on pourrait aller de l’avant avec une deuxième usine. On parle ici d’un investissement additionnel de 600 millions qui va nécessiter de la main-d’œuvre additionnelle. On est en train d’évaluer le tout », confirme David Cataford.