Comment ne pas échouer  ? Lors d’une conférence intitulée « Bâtissez des produits que les gens aiment », dans le cadre du 9e Startupfest de Montréal, hier, Rosie Atkins a énuméré ses trucs pour séduire le public quand vient le temps de lancer une application ou un service.

La vice-présidente responsable des produits de l’entreprise Homebase (qui offre une solution pour la gestion des employés payés à l’heure) s’est cependant d’abord présentée comme une développeuse de produits pas du tout orgueilleuse. Elle a dévoilé les échecs auxquels elle a fait face en voulant concevoir des applications permettant à des clients de commander des boissons à distance dans un bar, à des restaurateurs de se faire rembourser plus rapidement des transactions par carte de crédit, à des consommateurs de consulter les sites des restos où leurs amis se sont attablés… Ces initiatives ont toutes échoué.

Car, chaque fois, Rosie Atkins affirme avoir commis des erreurs de base. « Je n’ai pas parlé aux restaurateurs au préalable. Je n’ai pas parlé aux serveurs dans les bars… », avoue-t-elle. 

Elle s’est concentrée sur une idée qu’elle trouvait merveilleuse. « Je suis tombée amoureuse de mon idée. Ce fut chaque fois toute une leçon. On a perdu temps et argent. Ne tombez pas amoureux de votre idée avant que les utilisateurs potentiels tombent amoureux de celle-ci. » 

Celle qui développe des produits depuis 20 ans et qui a auparavant travaillé chez Groupon, OpenTable et Cisco a aussi détaillé les questions à se poser quand on conçoit une nouvelle application. Combien de gens pourraient l’adopter rapidement  ? Est-ce qu’ils la désirent au point de l’utiliser  ? « Mais le secret, dit-elle, reste la recherche qualitative. Parlez aux gens, souvent et très tôt dans le processus de développement. Et pas à des investisseurs ni à vos amis. Si 15 personnes vous disent que ce n’est pas une bonne idée, laissez tomber. »

Aller chez Costco

La méthode va toutefois à l’encontre de certaines réussites entrepreneuriales venues du champ gauche. On pense à la création de produits qui semblent sortis uniquement de l’imagination de créateurs acharnés, qui ont eu des succès aussi surprenants qu’enviables. 

Comment le fondateur de Starbucks pouvait-il demander à des clients potentiels s’ils avaient besoin de se procurer des cafés à 7 $ ? a demandé quelqu’un dans l’assistance, hier. Il y a toujours moyen de consulter de façon pertinente les consommateurs, selon Rosie Atkins. 

« Allez vous promener dans les allées des Walmart et Costco où se trouvent les produits qui ressemblent le plus à ce que vous voulez lancer et parlez aux clients sur place, suggère-t-elle. Ce sont les détaillants les plus démocratiques à mes yeux. Et formulez vos questions de façon à obtenir des informations éclairantes. »

Plusieurs vies

Ses révélations s’inscrivaient dans la thématique du présent Startupfest, Neuf vies. « Évidemment, ce qui rend l’énumération de tels échecs intéressante pour les auditeurs, c’est qu’on a finalement réussi, note le fondateur Philippe Telio. On montre qu’on est capable de mourir, d’oublier, puis de passer à autre chose. Autrement, on n’avance jamais. Hamnett Hill, par exemple, qui a fondé Totalnet et Zero-Knowledge Systems, a eu plusieurs vies. Chaque fois entières et différentes. Les bons entrepreneurs sont capables de s’adapter à la réalité. Ceux qui refusent de mourir auront les plus gros problèmes. » 

Philippe Telio estime se lancer, lui-même, dans une nouvelle aventure d’un été à l’autre avec le Startupfest. « Car on change de site chaque année et on renouvelle presque entièrement la liste des conférenciers. »

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Philippe Telio

Le Startupfest, qui se tient au parc Jean-Drapeau toute la semaine, a en plus fait croître le montant des investissements et bourses cette année. Ceux-ci se chiffrent à 1 million, dont 100 000 $ seront pour la première fois remis à la dirigeante d’une jeune pousse techno. « Un pourcentage minime d’argent est versé à des start-up gérées par des femmes, note Philippe Telio. Un des problèmes rencontrés est qu’il y en a moins qui investissent. » 

L’équipe d’Anges investisseurs du Startupfest se féminise donc, affirme le fondateur : « Elle est notamment composée cette année de Patricia Saputo, Nathalie Marcoux et Marie-Josée Lamothe. »