(Ottawa) Le Canada et ses principaux alliés internationaux qui souscrivent aux règles du commerce international et qui croient aux vertus du libre-échange sont engagés dans une véritable course contre la montre afin d’éviter que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ne devienne dysfonctionnelle en décembre, à cause du refus des États-Unis de nommer de nouveaux juges à la section d’appel de l’organisation.

Depuis neuf mois, le ministre canadien du Commerce international, Jim Carr, mène une sorte de mission de paix pour le commerce international afin de trouver un terrain d’entente entre les 164 membres de l’OMC. Mais la date butoir du 10 décembre — date à laquelle il y aura un nombre insuffisant de juges au sein de l’organe de règlement des différends (ORD) pour trancher les litiges commerciaux — approche à grands pas.

Jusqu’ici, le ministre Carr a convoqué quatre réunions regroupant ses homologues de l’Union européenne, du Japon, du Mexique, de la Norvège, de la Suisse, de la Corée du Sud, du Kenya, du Brésil et de Singapour — des pays représentent tous les continents — afin de parvenir à un consensus sur une possible réforme de cette organisation. Ces pays ont été invités par le ministre Carr l’automne dernier pour examiner des changements possibles. Ils forment depuis une alliance, également connue sous le nom de Groupe d’Ottawa.

Date butoir : le 10 décembre

Les deux premières puissances économiques, les États-Unis et la Chine, ont été exclues des discussions jusqu’ici pour ne pas nuire aux chances de succès. Mais il faudra éventuellement tenir compte de certaines demandes des États-Unis dans l’élaboration de toute réforme.

« Le Canada continue de mener les efforts avec les pays qui partagent les mêmes objectifs afin de réformer l’OMC, a indiqué le ministre Jim Carr dans une entrevue à La Presse. Il y a une course contre la montre en ce moment. Nous connaissons la date butoir. C’est le 10 décembre. »

M. Carr a précisé qu’il a discuté de façon informelle avec l’ambassadeur des États-Unis auprès de l’OMC, Dennis Shea. Il compte rencontrer sous peu le représentant au Commerce Robert Lighthizer, qui était le visage de l’administration Trump durant les difficiles négociations visant à moderniser l’Accord de libre-échange nord-américain avec le Canada et le Mexique.

Les États-Unis n’ont pas été invités à l’une ou l’autre de ces rencontres parce que nous croyons que nous ne sommes pas tout à fait prêts à les approcher avec un consensus qui sera aligné avec leurs intérêts.

Jim Carr, ministre canadien du Commerce international

« C’est ce que nous devons faire, car il n’y aura pas de réforme durable de l’OMC possible sans l’accord des deux économies les plus importantes, soit les États-Unis et la Chine. Il faut inclure ces deux pays éventuellement, quand le moment sera opportun. L’enjeu le plus urgent demeure l’organe de règlement des différends de l’OMC », a-t-il analysé.

À l’instar d’autres institutions internationales, l’OMC est la cible de vives critiques du président américain Donald Trump et des membres de son administration. Le locataire de la Maison-Blanche préfère négocier des ententes bilatérales plutôt que de s’en remettre à des institutions internationales pour trancher des litiges, par exemple.

Règlement des différends commerciaux

L’OMC joue un rôle important pour régler les différends commerciaux entre divers pays membres. L’organe de règlement des différends est chargé de rendre une décision sur les conflits commerciaux portant, par exemple, sur des subventions injustes accordées par un pays à une entreprise ou de se prononcer sur la justesse de barrières réglementaires jugées injustifiées qui ont pour effet de limiter l’accès au marché d’un pays ou plusieurs États membres.

Le Canada juge cette institution d’autant plus importante qu’il a fait appel à l’OMC dans le passé pour trancher des différends commerciaux avec d’autres pays, y compris les États-Unis.

Une crise nous pend au bout du nez. La conséquence directe, c’est que le mécanisme de règlement des différends de l’OMC ne pourra plus fonctionner adéquatement.

Jim Carr, ministre canadien du Commerce international 

« C’est un gros problème et c’est un problème qui est à nos portes. Nous examinons des moyens au sein du groupe d’Ottawa pour mettre au point un train de réformes de la section d’appel qui recueillera un large consensus », a dit le ministre.

Interrogé pour savoir si les Américains continuent de causer des maux de tête au Canada sur le plan commercial, le ministre Jim Carr a répondu sans hésiter : « Oui. Ils ont un point de vue très ferme de l’OMC et des réformes. Certaines de leurs critiques sont valides. Nous devons trouver une façon d’aligner les propositions américaines avec celles de la communauté internationale. Nous croyons que le monde se porte mieux quand il y a un système mondial s’appuyant sur des règles. Nous allons faire de notre mieux pour convaincre nos partenaires que c’est aussi dans leur intérêt. »