Les règles établies par la Régie de l’énergie pour la fourniture d’électricité au secteur des cryptomonnaies sont loin d’avoir clos le débat. La décision rendue le 29 avril dernier est contestée par Hydro-Sherbrooke et les autres réseaux municipaux, de même que par Bitfarms, une des principales entreprises actives au Québec.

Les deux parties reprochent à la Régie de l’énergie de changer rétroactivement les règles des ententes déjà conclues entre les entreprises de cryptomonnaies et les distributeurs d’électricité.

Submergée de demandes d’approvisionnement de la part des mineurs de bitcoins et d’autres cryptomonnaies, Hydro-Québec, qui a l’obligation de desservir tous les clients, avait obtenu un moratoire sur l’acceptation de ce type de demande.

Elle avait proposé à la Régie de l’énergie de limiter le bloc d’énergie réservé aux cryptomonnaies et d’exiger de ce type de clients qu’ils renoncent à l’électricité pendant les 300 heures critiques de la pointe hivernale. Malgré ses importants surplus, Hydro-Québec doit acheter de l’électricité à fort prix sur les marchés voisins pour remplir ses obligations en période de grand froid.

La Régie a accepté cette proposition, mais elle a aussi statué que les ententes existantes seraient soumises aux mêmes règles, qu’elles aient été conclues avec Hydro-Québec ou avec Hydro-Sherbrooke et les neuf autres réseaux municipaux.

L’Association des redistributeurs d’électricité du Québec (AREQ), qui regroupe ces réseaux municipaux, au nombre de 10, ne l’entend pas de cette oreille.

Eux qui achètent de l’électricité d’Hydro-Québec et la redistribuent à leurs clients jouissent d’une entière autonomie en ce qui concerne les tarifs et les conditions de services offerts à leurs clients, à condition qu’ils ne vendent pas l’électricité à un prix plus élevé.

Ils ont décidé de répliquer : « L’AREQ est grandement préoccupée par l’effet des conclusions énoncées par la première formation, en ce qu’elles portent directement atteinte à la compétence des réseaux municipaux [par l’entremise de leurs conseils respectifs] de fixer les tarifs ainsi que les conditions de service applicables à leurs clients », font-ils valoir dans leur demande de révision de la décision de la Régie.

La Régie n’avait pas le pouvoir de fixer les tarifs et les conditions de services applicables aux clients des réseaux municipaux détenant des abonnements existants, plaident-ils.

Bitfarms refuse les nouvelles conditions

Du côté de Bitfarms, qui a déjà des ententes d’approvisionnement avec Hydro-Québec sans obligation de délestage hivernal, on refuse de se faire imposer rétroactivement de nouvelles conditions.

« Avant de se faire imposer cette condition de délestage hivernal, on aurait voulu pouvoir en discuter et plaider notre cause. » — Bahador Zabihiyan, porte-parole de Bitfarms

Backbone Hosting Solutions exploite au Québec sous le nom de Bitfarms des centres de calcul voués aux chaînes de blocs. Selon elle, la Régie a fait erreur en décrétant que les abonnements existants ne bénéficient pas de droits acquis, notamment celui de recevoir un service d’électricité ferme, sans interruption hivernale.

Avant la décision de la Régie, Hydro-Québec avait conclu des ententes totalisant 158 mégawatts avec des entreprises de cryptomonnaies, et les réseaux municipaux en avaient pour un total de 210 mégawatts.

Un bloc de 300 mégawatts supplémentaires sera réservé au secteur des cryptomonnaies, a aussi statué la Régie. Le tarif sera celui en vigueur pour ce type de consommation, soit autour de 5 cents le kilowattheure, que les entreprises soient clientes d’Hydro-Québec ou d’un redistributeur d’électricité.

Les demandes retenues seront celles qui offriront le plus de retombées au Québec, en matière d’emplois ou de technologie. Au total, 668 mégawatts pourraient être consacrés au secteur des cryptomonnaies, soit l’équivalent de la consommation d’une aluminerie.