Le front commun intersyndical du secteur public n’est pas encore constitué et il n’est pas acquis qu’il parviendra effectivement à se former pour la prochaine négociation. Les discussions entre les trois centrales syndicales s’avèrent plus laborieuses cette fois-ci, a appris La Presse canadienne.

Traditionnellement, la CSN, la CSQ et la FTQ font partie du front commun, parfois avec d’autres organisations syndicales. Cette fois-ci, des sources font état d’une certaine irritation.

D’abord, les demandes sur lesquelles la CSN, la CSQ et la FTQ consultent présentement leurs membres diffèrent passablement selon la centrale. La FTQ consulte ses membres sur des principes à défendre, comme les conditions d’exercice et de travail à améliorer, le manque de personnel et la surcharge de travail, alors que les deux autres consultent leurs membres sur des pourcentages d’augmentations de salaire et, qui plus est, leurs demandes diffèrent.

Mais, surtout, l’irritation se fait sentir face à la stratégie de la CSN de dévoiler publiquement les demandes sur lesquelles elle consulte ses membres, alors que la FTQ et la CSQ ont choisi de rester discrètes et de laisser leurs membres en décider.

Habituellement, les membres du front commun harmonisent ensuite leurs demandes et font un dépôt commun, en octobre.

Or, la CSN n’y va pas de main morte. Elle consulte ses membres sur des demandes de 3 $ l’heure d’augmentation pour tous les salariés dès la première année, suivie d’augmentations de 3 % pour chacune des deux années suivantes.

Concrètement, cela voudrait dire qu’un préposé aux bénéficiaires, qui gagne 20 $ l’heure dans le secteur public, revendiquerait 15 % d’augmentation dès la première année. Et c’est sans compter les deux autres années. Et l’on parle de 450 000 employés de l’État.

« Un geste calculé »

« La CSN s’est peinturée dans le coin et elle nous a placés dans une drôle de situation en agissant comme ça. Si nous, on décide de demander moins que ça, qu’est-ce que nos membres vont nous dire ? », a résumé une source.

La FTQ et la CSQ paraîtraient alors moins combatives, moins revendicatrices aux yeux de leurs membres si elles formulaient des demandes qu’elles jugent plus raisonnables.

« C’est un geste calculé de la CSN. C’est voulu. La CSN savait très bien ce qu’elle faisait en faisant ça », a lancé une autre source.

À la CSN, la vice-présidente Caroline Senneville s’est défendue d’avoir ainsi voulu faire un croc-en-jambe aux deux centrales avec lesquelles elle veut former un front commun. Elle a soutenu que la CSN a rendu ses demandes publiques parce qu’il y avait eu une fuite dans les médias et qu’elle tenait à ce que les chiffres qui circulent soient les bons.

Pour ce qui est de la formation proprement dite du front commun, « on n’est pas en avance, c’est vrai », concède Mme Senneville. Elle souligne que lors de la dernière négociation, le front commun était déjà constitué au printemps. Et, pourtant, le front commun réunissait plus d’organisations syndicales que cette fois-ci.

En haut lieu, toutefois, on se montre confiant.

Joint au téléphone, le président de la FTQ, Daniel Boyer, s’est limité à dire qu’il espérait toujours que les parties parviendraient à s’entendre d’ici l’automne. « On met tout en œuvre pour qu’il y ait un front commun. »

Et la présidente de la CSQ, Sonia Éthier, a tenu un discours semblable. « La volonté d’avoir un front commun, elle est là. »