Malgré le boom actuel de la construction d’appartements, le marché de la location restera serré dans les prochaines années en raison d’une demande locative qui demeurera soutenue, à moins d’une baisse subite de l’immigration.

Le taux d’inoccupation des logements locatifs, qui a été mesuré à 2,3 % dans la province de Québec en octobre 2018, n’augmentera pas de façon significative d’ici 2020, à moins d’événements inattendus. C’est la réponse donnée par deux économistes spécialistes de l’habitation à qui La Presse a posé la question.

À mesure que l’échéance du 1er juillet approche, on entend des histoires de locataires angoissés de ne pas trouver un logement convenable à temps.

Hier, Québec solidaire a proposé un plan d’urgence pour contrer la rareté des logements locatifs. Parmi ses solutions, le parti propose la mise sur pied d’une ligne téléphonique et d’un service d’hébergement temporaire d’urgence pour les familles qui resteront sur le trottoir le 1er juillet. Le parti suggère aussi une bonification au Programme de supplément de loyer, qui consiste en une aide financière aux personnes à revenus modestes pour trouver un logement dans le marché privé.

Le député solidaire de Laurier-Dorion, Andrés Fontecilla, questionnera d’ailleurs la ministre responsable de l’Habitation, Andrée Laforest, au cours d’une interpellation vendredi à l’Assemblée nationale.

Un marché équilibré compte entre 3 et 4 % de logements vacants.

Quand les logements disponibles représentent plus de 4 % du total, les propriétaires offrent des loyers gratuits ou font preuve d’imagination pour trouver des incitatifs afin de remplir leurs logements.

À l’inverse, quand le taux d’inoccupation descend sous les 2 %, comme c’est le cas dans certains quartiers centraux de Montréal comme Villeray–Saint-Michel ou Mercier, c’est au tour des locataires de faire des sacrifices. Ces jours-ci, on entend parler de files d’attente qui se forment pour visiter des logements et de cas de surenchère quant au prix du loyer.

Hausse de la construction

Desjardins prévoit un certain relâchement du marché locatif en 2019 et en 2020 consécutif à la forte construction de logements locatifs. Mais cette remontée du taux d’inoccupation n’est pas significative une fois prise en compte la marge d’erreur relative à ce genre d’enquête. Le service d’Études économiques prévoit un relèvement du taux à 2,5 % en 2019, puis à 2,8 % en 2020.

En mars 2019, 15 395 logements locatifs étaient en construction dans la région métropolitaine de recensement (RMR) de Montréal, une hausse de 40 % par rapport à mars 2018.

« Il y a beaucoup de construction. Jusqu’à maintenant, le marché a absorbé les nouvelles unités. Mais est-ce que ça va être aussi facile d’absorber les nouveaux logements dans les deux prochaines années ? La question est de savoir si la hausse de la demande continuera de suivre la hausse de l’offre. » — Hélène Bégin, économiste principale au Mouvement Desjardins

Tout dépendra de l’immigration, indique-t-on à la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).

« Le facteur important, c’est le solde migratoire, dit Francis Cortellino, analyste de marché pour Montréal. C’est la grande inconnue. Si on reste encore à des niveaux historiquement élevés, la demande locative va rester forte et le taux d’inoccupation va demeurer bas. »

Selon un document récent de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), le Québec a accueilli 61 500 étudiants internationaux en 2018 et 27 950 demandeurs d’asile. Dans ce dernier cas, c’est sept fois plus que la moyenne annuelle observée de 2011 à 2016. Les immigrants temporaires optent très largement pour la location.

Sans compter que le vieillissement de la population nourrit la demande locative. Empiriquement, il arrive un âge où les gens quittent la propriété pour retourner sur le marché locatif.

« Avec les jeunes qui sont plus locataires que les générations précédentes, le vieillissement de la population, le marché de la revente et du neuf où il n’y a pas beaucoup d’offres pour les accédants à la propriété ; bref, il y a plusieurs facteurs qui favorisent la demande locative. Dans ce contexte, je ne crois pas à une forte remontée du taux d’inoccupation – au-delà de 4 % par exemple – au cours des deux prochaines années. Si ça bouge, on va rester dans la marge d’erreur, d’après moi », indique M. Cortellino.