Compliqués. Méconnus. Restrictifs. Insuffisants. Ce ne sont pas les qualificatifs qui manquent pour décrire le fouillis des crédits d’impôt destinés aux aînés.

D’un budget à l’autre, les gouvernements ne peuvent pas résister à la tentation de leur offrir de nouveaux bonbons fiscaux. Chic, de l’argent ! Tout le monde est content. Et le gouvernement donne l’impression de résoudre un problème.

Chaque ministre des Finances ajoute son grain de sel. Les aînés ont besoin d’aide ? Et hop ! Raymond Bachand bonifie le crédit d’impôt pour aidants naturels. Les personnes âgées souffrent d’isolement ? Carlos Leitão arrive avec un crédit pour les activités des aînés. Les aînés ne roulent pas sur l’or ? Dès son premier budget, Eric Girard dévoile un crédit d’impôt pour le soutien des aînés de 200 $ par personne.

Fort bien. Mais à la longue, les crédits s’empilent. Résultat ? Une vingtaine de mesures fiscales destinées aux particuliers se sont ajoutées depuis 2000, ce qui fait que les contribuables doivent maintenant décortiquer 160 mesures fiscales, toutes plus complexes les unes que les autres.

Ces cadeaux finissent par coûter cher à Québec : la facture des dépenses fiscales visant les particuliers a gonflé de 3,9 % à 5,1 % du produit intérieur brut (PIB) en 20 ans.

Le gouvernement aurait mieux fait de s’attaquer de front aux véritables problèmes plutôt que de saupoudrer de l’argent de manière indirecte avec une flopée de crédits, estime l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) dans une étude publiée hier.

Lire l’étude Les dépenses fiscales et les personnes aînées

En 2015, la Commission d’examen sur la fiscalité avait d’ailleurs proposé l’abolition d’une trentaine de mesures fiscales inefficaces. Malheureusement, la réforme tarde à venir. Et beaucoup d’aînés déboussolés ne font pas les démarches pour obtenir leur dû.

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Certains crédits passent dans le beurre.

C’est le cas des crédits visant à soutenir les proches aidants, qui ressemblent plus à un coup de marketing qu’à une véritable solution à un enjeu de société grave.

Lancé en 2007, le crédit d’impôt pour relève bénévole a été réclamé par seulement 181 particuliers qui se sont partagé la minuscule somme de 100 000 $ en 2011. Quant au crédit pour le répit d’un aidant naturel, créé en 2008, seulement 452 contribuables ont reçu un total de 300 000 $ en 2011.

Ces mesures fiscales sont de la poudre aux yeux ! L’aide est dérisoire face à l’ampleur du phénomène : 1,8 million de Québécois agissent comme proches aidants. Le tiers y consacrent plus de cinq heures par semaine et 10 % plus de 20 heures.

La charge est lourde. Les conséquences aussi. De nombreux aidants sont déprimés et se retrouvent eux-mêmes avec des problèmes de santé ou des difficultés financières, en particulier lorsqu’ils doivent s’absenter de leur travail, comme c’est le cas de près du tiers des aidants.

D’autres mesures fiscales sont très populaires auprès des aînés. Mais est-ce vraiment une bonne nouvelle ? Prenez le crédit d’impôt pour le maintien à domicile, dont l’utilisation a bondi de 162 % en 10 ans, avec le vieillissement de la population et le virage ambulatoire.

L’idée de permettre aux aînés de vieillir chez eux était louable. Mais en l’absence de ressources adéquates, « le virage a toutefois davantage pris la forme d’un simple désengagement visant à rétablir l’équilibre budgétaire », écrit l’auteur de l’étude, Guillaume Hébert.

Alors que les services publics font cruellement défaut, les crédits d’impôt ne sont qu’un diachylon qu’on met sur le bobo.

« Ils sont généralement insuffisants pour surmonter le problème social qu’ils sont censés résoudre et ils ont tendance à favoriser le développement du secteur privé dans les secteurs où l’État échoue à offrir les services nécessaires », critique l’IRIS.

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Un grand ménage serait le bienvenu dans la déclaration de revenus des particuliers, surtout celle des aînés.

On pourrait commencer par éliminer les crédits superflus, comme le crédit pour les activités des aînés qui rapporte un maigrichon 40 $ par année… pour ceux qui pensent à conserver leurs reçus. Et pourquoi pas la subvention relative à une hausse de taxes municipales, qui est archicomplexe ?

Il faudrait aussi élargir les critères des crédits trop restrictifs. Par exemple, pour avoir droit au crédit pour relève bénévole, il fallait faire 400 heures de bénévolat par année, soit huit heures par semaine. Depuis 2018, il est possible d’obtenir un crédit réduit de 250 $ pour 200 heures de bénévolat. À 1,25 $/heure, c’est pas les gros chars ! L’IRIS considère que le seuil devrait être abaissé à 50 heures.

Ensuite, plusieurs crédits devraient devenir remboursables, ce qui signifie que la mesure profiterait aussi aux contribuables qui ne paient pas d’impôts, soit environ la moitié des aînés. On pense par exemple au crédit pour les frais médicaux et au crédit pour déficience grave et prolongée. Si le gouvernement veut prêter main-forte aux personnes vulnérables, il est absurde de priver les plus démunis de son soutien.

De plus, il faudrait simplifier les règles et les démarches. Plusieurs crédits destinés aux aînés sont d’une complexité déconcertante. Attestation médicale, formulaire à remplir… voilà autant de facteurs qui découragent les contribuables, souvent déjà épuisés, d’aller chercher leur dû.

Autant que possible, le fisc devrait automatiser le versement de mesures fiscales, comme l’Allocation-logement, qui reste méconnue. Pourquoi forcer les gens à remplir de la paperasse, quand le gouvernement a déjà l’information pour faire les calculs lui-même ?

Autrement, il faudrait mener des campagnes de sensibilisation, notamment dans le réseau de la santé, pour faire connaître les mesures fiscales sous-utilisées. À quoi bon lancer de nouveaux crédits chaque année, si les contribuables ne vont pas les chercher ?