La gare Windsor, cette vieille dame élégante, dépoussière ses atours. Son propriétaire Cadillac Fairview consacre plus de 40 millions en quatre ans à la seule restauration de son enveloppe extérieure.

De nouveaux locataires, comme la firme de technologie Coveo, investissent l’édifice. Et dans l’édifice.

Pour accueillir ses 250 nouveaux employés montréalais, l’entreprise de Québec, en spectaculaire croissance, a entrepris le réaménagement des 50 000 pi2 qu’elle occupera bientôt aux deux étages supérieurs.

Le cinquième étage dénudé, libéré de ses anciennes cloisons et de son plafond suspendu, laisse entrevoir la gloire passée de ses vieux murs. De part et d’autre, les fenêtres de bois s’alignent, dont plusieurs avec cette embrasure cintrée qui fait le charme de l’édifice.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Les fenêtres de bois de la gare Windsor

Au-dessus des têtes, la vieille charpente se dévoile, avec ses fermes d’acier portant la chape de béton du toit.

« Ce sont des structures rivetées à chaud, carrément comme le pont de Québec ! », s’enthousiasme Louis Têtu, chef de la direction de Coveo. Il tient à ce qu’elles soient mises en valeur pour honorer la mythique gare Windsor.

Qui n’a plus de gare que le nom.

Un drôle d’animal

Construit entre 1887 et 1889 dans le style néo-roman, agrandi en 1900 et en 1914, le siège social du Canadien Pacifique s’étalait en forme de C, au centre duquel une dizaine de voies ferrées terminaient leur course.

Lorsque le Centre Bell a été érigé à l’emplacement des anciennes voies, au milieu des années 90, la gare a perdu sa raison d’être.

Cadillac Fairview a acheté l’édifice en 2009.

« À l’origine, on a fait l’acquisition essentiellement pour obtenir le terrain qui nous permettait de construire la Tour Deloitte », indique Danielle Lavoie, vice-présidente principale chez Cadillac Fairview, qui accompagne Louis Têtu dans sa visite.

« On ne savait pas trop ce qu’on allait faire de la gare. C’est un drôle d’animal. »

« Sur les 300 000 pi2, on pouvait avoir 75 locataires, ce qui n’avait pas de sens. »

De l’importance de l’âme

Cadillac Fairview a lancé un important programme de restauration de ce joyau patrimonial.

« On a lancé l’an dernier la première phase de quatre années de travaux de réparation de maçonnerie, décrit Danielle Lavoie. La majorité de la bâtisse est en pierre grise de Montréal, qui n’existe à peu près plus et qui est extrêmement dispendieuse. »

La toiture recouverte de cuivre fera également l’objet d’une réfection.

« Et cette année, on a commencé la première de trois phases pour le remplacement intégral de toutes les fenêtres. On parle de 1100 ouvertures de 55 formes différentes ! »

Ces travaux donnent l’occasion d’intéresser de nouveaux locataires.

« Ce qui est vraiment un immense plaisir pour nous, c’est de voir que ce sont toutes des firmes de technologie qui s’installent ici. » — Danielle Lavoie, vice-présidente de Cadillac Fairview

Ce n’est pas une coïncidence. « C’est le type de bâtiment qui attire et interpelle cette nouvelle génération de travailleurs. »

Comme ceux de Coveo.

Amateur d’architecture, Louis Têtu admet nourrir un attachement particulier pour le monde ferroviaire et les édifices qu’il a semés partout au Canada, « peut-être parce que j’ai grandi à côté du pont de Québec et du Château Frontenac ».

Son entreprise investit 5 millions dans l’aménagement de ses nouveaux locaux, dont le design a été confié à la firme LEMAYMICHAUD.

Pour séduire les jeunes cerveaux, l’espace sera dégagé, coloré, animé, entremêlant lieux de rencontre, îlots de relaxation et espaces de travail.

« On est dans un domaine de créativité, souligne le chef de la direction. Il faut que ça respire, il faut que ça ait une âme. »

Indéniablement, la gare Windsor n’a pas perdu la sienne.

« Ici, on a de la matière pour travailler. Il y a beaucoup de détails apparents qu’on va pouvoir extraire. » — Louis Têtu, chef de la direction de Coveo

Comme la petite tourelle qui émerge du toit, au-dessus de l’aile occupée par Coveo. La firme de Québec y étagera une salle de réunion, un petit boudoir et, à son sommet, une terrasse donnant sur la ville.

« Il y a une vue absolument magnifique sur le toit », assure Louis Têtu.

De là-haut, le regard dominera Montréal.

Un gars de Québec y trouve toujours une discrète satisfaction.