(Québec) Les chefs syndicaux dénoncent en cette Journée internationale des travailleuses et travailleurs la sortie du premier ministre François Legault qui déplorait les salaires trop élevés des syndiqués québécois.

M. Legault a choisi le 1er mai pour demander aux syndicats d’être « plus raisonnables ». Il a fait ce commentaire lors de la période des questions à l’Assemblée nationale, mercredi, quelques heures avant sa rencontre annuelle avec les quatre centrales syndicales.

Répondant au chef libéral intérimaire, Pierre Arcand, sur le conflit de travail qui perdure depuis 15 mois à l’Aluminerie de Bécancour (ABI), il a affirmé vouloir créer plus d’emplois dans le secteur manufacturier.

Or, selon M. Legault, le problème, c’est que le coût de la main-d’œuvre dans certaines entreprises manufacturières du Québec est plus élevé qu’aux États-Unis.

Donc, a-t-il conclu, « je pense qu’il va falloir faire un appel aux syndicats, puis incluant aux Métallos, pour être plus raisonnables ».

M. Legault a enchaîné en rappelant que dans le cas d’ABI, le salaire moyen est de 92 000 $ par année. Les travailleurs en lock-out de l’aluminerie sont parmi les 9 % des personnes les mieux payées au Québec, a-t-il exposé. « Il va falloir être raisonnables si on veut créer plus d’emplois payants », a-t-il alors répété.

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Les employés d'ABI manifestent devant l'Assemblée Nationale, le 27 mars dernier.

Quand un syndicat en demande trop, il y a un risque de perdre des emplois, selon lui.

« C’est bien sûr qu’en cette journée de la Fête des travailleurs, c’est un peu désolant que le premier ministre tienne ces propos-là », a réagi le président de la FTQ, Daniel Boyer, au sortir de la rencontre avec M. Legault, mercredi après-midi.

Il s’étonne par ailleurs que le premier ministre ait pris position dans le conflit à Bécancour, en tranchant en faveur de la partie patronale. « Je pense que ce n’est pas la job du premier ministre, on ne s’attend pas à ça du premier ministre », a-t-il déclaré.

Incohérences

M. Legault répète depuis des années qu’il veut créer des emplois payants rémunérés à « 25 $, 30 $ ou 40 $ » de l’heure, des emplois « de qualité ». De tels emplois permettraient entre autres d’attirer des candidats dans les régions.

Mercredi, M. Boyer a dit avoir identifié des « incohérences » dans le discours du chef caquiste.

« On lui a soulevé certaines incohérences, bien évidemment, parce que si on veut augmenter le salaire moyen, et qu’on nous dit qu’à 90 000 $ par année vous êtes trop payés, et qu’on ne veut pas augmenter le salaire minimum, bien évidemment comment on va faire pour augmenter le salaire moyen ? » a déclaré le chef syndical.

« Donc, veut veut pas, il va falloir augmenter le salaire minimum un moment donné, et il ne faut pas se plaindre que des gens aient une bonne job et gagnent 90 000 $ par année, il y a une incohérence là-dedans », a-t-il renchéri.

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Le premier ministre en réunion avec des leaders syndicaux, aujourd'hui.

Daniel Boyer était accompagné des présidents de la CSN, Jacques Létourneau, de la CSQ, Sonia Éthier, et de la CSD, Luc Vachon.

Ils ont dit s’attendre à ce que le discours de M. Legault sur les « emplois payants » se « réflète » à la table de négociation lors de la prochaine négociation du secteur public qui s’amorce cet automne.

« Il y a beaucoup de gens dans le secteur public qui ne gagnent pas 35 $ ou 40 $ de l’heure », a souligné M. Boyer.

Les chefs syndicaux ont toutefois rapporté s’entendre avec M. Legault sur plusieurs points, à commencer par le besoin de s’attaquer à la surcharge de travail et au manque de personnel dans les différents milieux, ainsi que d’améliorer les conditions d’exercice d’emploi et les conditions de travail des employés, incluant les salaires.

Québec solidaire en rajoute

Québec solidaire est aussi sauté dans la mêlée mercredi. « Mémo à François Legault : le 1er mai, c’est l’occasion de célébrer les travailleuses et les travailleurs, pas de les attaquer », a déclaré son porte-parole en matière de travail, Alexandre Leduc.

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Le député Alexandre Leduc.

« Depuis quelques semaines, le premier ministre multiplie les attaques : trop payés, pas raisonnables, les syndicats ont le dos tellement large qu’à entendre M. Legault, ils causent des pertes d’emplois ! »

Selon la formation politique de gauche, ce sont plutôt les caquistes qui causent des « pertes d’emplois », en demandant notamment aux enseignantes portant des signes religieux « d’aller se trouver une autre job en pleine pénurie ».