Cette ville de la Rive-Sud est le nouveau secteur chaud de l’immobilier industriel dans la région de Montréal. Les transactions d’envergure s’y enchaînent depuis six mois. Un centre de données américain et une base manufacturière en intelligence artificielle figurent parmi les acquéreurs. Compte rendu d’un hiver chargé.

« Saint-Bruno, c’est le dernier espoir. Il n’y a plus de terrain nulle part, s’anime Paul-Éric Poitras, associé principal de NAI Terramont Commercial, courtier spécialiste de l’immobilier industriel sur la Rive-Sud. Varennes se remplit. Saint-Hubert et Brossard se sont remplis. Saint-Bruno, parce que la Ville s’était montrée pointilleuse, est la dernière à avoir encore du terrain pour la peine », explique-t-il.

La Ville de Saint-Bruno-de-Montarville avait en effet refusé ces dernières années l’implantation du centre de distribution de Jean Coutu et celui de Costco dans son écoparc industriel, qui n’est pas « zoné » pour recevoir ce type d’activités. Les deux entités se sont finalement installées à Varennes.

Mais le vent a tourné et souffle maintenant dans le dos du maire de Saint-Bruno, Martin Murray. 

« En 2015, nous avions 15 millions de pieds carrés de terrains disponibles. Au rythme où vont les choses, il nous en restera peut-être un million à la fin de cette année. » — Martin Murray, maire de Saint-Bruno

Depuis six mois, quatre transactions millionnaires ont été conclues sur le territoire de Saint-Bruno, a recensé la firme Altus. Le prix payé varie de 5 $ à 12,60 $ le pied carré, pour des lots dont la superficie approche souvent le million de pieds carrés. À titre comparatif, Molson a payé un peu plus de 1 $ le pied carré pour le terrain de sa nouvelle brasserie dans l’arrondissement de Saint-Hubert à Longueuil, pour un terrain beaucoup plus vaste, toutefois (6,3 millions de pieds carrés).

Un WeWork du monde industriel intelligent

Le fondateur des entreprises Copernic, Coveo et 4Degrés, le prolifique Martin Bouchard, 46 ans, a une offre d’achat acceptée pour un terrain appartenant à la Ville dans l’écoparc, tout juste derrière la gare de train de banlieue. Le lot fait un peu moins de 600 000 pieds carrés. La société Bases.ai propose de payer 5 $ le pied carré. Les installations projetées nécessitent un investissement de 20 millions et devraient entraîner la création de 100 emplois. La construction débuterait d’ici deux ans, d’après des documents de la Ville.

« Ce sont des lieux, des infrastructures où il va y avoir des bureaux collaboratifs pour des entreprises manufacturières qui veulent aller dans l’intelligence artificielle », explique au téléphone M. Bouchard. 

« Pour servir une entreprise manufacturière, ça prend de l’espace pour les équipements, les robots et un paquet d’autres affaires, ça ne peut pas s’appliquer dans le Mile-Ex ou au centre-ville de Montréal. » — Martin Bouchard, fondateur des entreprises Copernic, Coveo et 4Degrés

« On veut en faire un endroit collaboratif à la WeWork avec des bureaux, mais où vous descendrez d’un étage pour accéder aux laboratoires, aux génératrices, aux panneaux solaires, aux robots, aux superordinateurs et aux quais de chargement. » La base veut aussi attirer sur place des firmes de consultants et des spécialistes. La Ville a des travaux d’infrastructures à faire dans le secteur avant que la construction de la base puisse commencer.

M. Bouchard et son associé Vincent Thibault souhaitent ouvrir trois bases à terme au Québec. L’été dernier, une première base était annoncée à Lévis. Celle de Saint-Bruno sera la deuxième. Le lieu où s’installera la troisième n’est pas encore connu. Au total, Bases.ai projette des investissements de 150 millions au Québec dans un horizon de cinq ans.

Fin février, l’américaine Vantage Data Centers a acheté un terrain d’un million de pieds carrés rue Marie-Victorin, à plus de 12 $ le pied carré. C’est cette société qui a acquis les centres de données 4Degrés de Vidéotron pour 259 millions à la fin de 2018.

Il s’agit du second centre de données ayant choisi Saint-Bruno. Colo-D, qui appartient depuis décembre à Cologix, de Denver, va s’établir plus loin le long de l’autoroute 30, dans le prolongement de la rue Parent. « Nous avons des promesses d’achat sur trois terrains totalisant près d’un million de pieds carrés », précise le maire Martin Murray.

Pour M. Murray, Saint-Bruno-de-Montarville est avantageusement situé sur la Rive-Sud, à proximité des autoroutes 20 et 30. Le contexte économique favorable que connaît le Québec a des répercussions positives pour le tissu industriel de sa ville, croit-il.