Le développement de l’énergie éolienne devait se traduire par des retombées économiques importantes au Québec et dans les régions, notamment en Gaspésie, qui a accueilli le plus grand nombre de parcs éoliens. Mais les retombées attendues ne sont pas au rendez-vous, a constaté Hydro-Québec.

La société d’État poursuit d’ailleurs Énergie éolienne Le Plateau, une entreprise qui appartient aujourd’hui à Boralex, Enercon Canada et sa société mère en Allemagne, pour ne pas avoir respecté les exigences de contenu local prévues au contrat d’une durée de 20 ans qui lui a été accordé en 2012. Des pénalités sont prévues au contrat, et elles pourraient être importantes, mais Hydro-Québec ne les chiffre pas.

Cette action en justice d’Hydro-Québec est une première dans le dossier éolien et elle pourrait faire boule de neige. Enercon Canada a été le fabricant des éoliennes d’au moins 18 autres parcs au Québec.

Énergie éolienne Le Plateau exploite un parc de 60 éoliennes (138,6 mégawatts) sous contrat avec Hydro-Québec jusqu’en 2032. Il a été retenu, avec 14 autres propositions, à la suite du deuxième appel d’offres d’Hydro-Québec lancé en 2005 pour l’achat d’énergie éolienne. Pour être choisis, les soumissionnaires devaient s’engager à ce que 60 % de leurs dépenses soient réalisées au Québec, et 30 % dans la région où serait construit le parc d’éoliennes.

L’objectif de Québec

Dans sa poursuite, Hydro-Québec rappelle l’objectif du gouvernement québécois dans le développement de l’énergie éolienne. « Il est connu que le coût d’achat qui sera payé par Hydro-Québec sera plus important que celui payé pour l’approvisionnement en hydro-électricité. Cependant, cela doit s’accompagner de l’émergence d’une toute nouvelle industrie dans la région admissible. »

De fait, Hydro-Québec a payé l’énergie éolienne trois fois plus cher que ce qu’il lui en coûtait pour en produire elle-même. Des pénalités étaient prévues dans tous les contrats en cas de non-respect des exigences de contenu local.

Le promoteur initial du projet Le Plateau, Invenergy, et son fournisseur Enercon s’étaient qualifiés haut la main pour obtenir le lucratif contrat d’Hydro-Québec, notamment en additionnant des points supplémentaires pour leur contenu technologique et leur engagement à exporter des composants fabriqués dans une usine à construire à Matane. L’usine a été construite, mais elle a été en activité seulement six ans, de 2010 à 2016.

Des questions sans réponses

Les choses se sont compliquées quand est venu le temps pour le promoteur de rendre des comptes sur le contenu local de son projet. Invenergy et Enercon ont produit pas moins de trois rapports finaux, avec des calculs et des résultats différents, peut-on lire dans les documents déposés en cour.

Une vérification par une firme indépendante a été demandée par Hydro-Québec, mais Enercon a refusé de lui fournir les informations nécessaires pour faire son travail.

À la fin de 2018, après plusieurs années de discussions, Hydro-Québec a décidé de s’adresser aux tribunaux pour faire respecter les clauses du contrat.

« Il s’agit d’une poursuite qui porte sur la méthodologie du calcul du contenu régional et une divergence de l’interprétation du contrat », a commenté la porte-parole d’Enercon, Eva Lotta Schmidt, qui souligne que son entreprise a investi au Québec et qu’elle y emploie encore 240 personnes.

« En raison de la poursuite judiciaire intentée par Hydro-Québec Distribution, nous ne pouvons malheureusement commenter davantage. »

— Avec Isabelle Ducas, La Presse