L’économie de la Grèce est en croissance. Le Portugal se dirige vers un surplus budgétaire. Pendant ce temps, la puissante Allemagne flirte avec la récession.

La nouvelle est passée plutôt inaperçue de notre côté de l’Atlantique, mais elle marque un tournant en Europe.

Le rendement exigé par les investisseurs sur les titres de dette de la Grèce a touché la semaine dernière un creux en près de 14 ans. Le taux des obligations du gouvernement à 10 ans – une référence sur ce marché – est tombé à 3,27 %, donc très loin des 30 % enregistrés en 2011 en pleine crise grecque.

Cette embellie témoigne d’un changement radical de la perception des investisseurs à l’égard d’un pays encore récemment considéré comme un paumé de l’Europe.

Autrement dit, cet ancien « PIGS » – l’acronyme gênant attribué au Portugal, à l’Italie, à la Grèce et à l’Espagne (« Spain ») après la crise financière – est redevenu… plutôt séduisant.

La Grèce, qui était encore sous la tutelle du Fonds monétaire international (FMI) il y a moins d’un an, verra même son économie croître d’environ 2 % cette année, selon la Commission européenne, bien au-dessus de la croissance de la zone euro (+ 1 %, d’après l’OCDE).

Et devinez quelle est la Bourse européenne la plus performante jusqu’ici en 2019 ? La Bourse d’Athènes (ASE), avec un rendement de plus de 26 %.

Même les gens d’affaires chinois frappent à la porte d’Athènes ces jours-ci pour investir davantage dans ce pays qu’ils voient, avec l’Italie, comme une porte d’entrée de l’Europe.

Le Portugal, un modèle

La Grèce n’est pas seule à faire tourner les têtes dans les milieux financiers.

Les agences de notation Standard & Poor’s et Moody’s viennent encore de hausser la note de crédit du Portugal pour souligner les progrès remarquables de ce petit pays.

S&P prévoit une croissance de 1,5 à 1,7 % de l’économie portugaise en 2019, une dette nationale en baisse et un déficit budgétaire d’à peine 0,2 % du PIB national – un taux quasi inégalé dans le monde industrialisé (le Canada, par exemple, est proche de 1 %).

Lisbonne promet même un surplus budgétaire en 2020.

Fait remarquable, le gouvernement du premier ministre socialiste Antonio Costa, dont l’arrivée au pouvoir en 2015 avait suscité la méfiance, a réussi ce tour de force avec un mélange de rigueur budgétaire, de mesures sociales généreuses et de politiques favorisant l’exportation et les technologies.

Bref, un numéro de funambule économique qui, au dire des médias européens, dont le Financial Times, fait du Portugal un « modèle pour l’Europe ».

L’Allemagne cafouille

Entre-temps, l’Allemagne a encore abaissé mercredi ses prévisions de croissance pour 2019.

Berlin table désormais sur une faible hausse du PIB de 0,5 % cette année, soit la moitié de ce qui était attendu en janvier.

Une contre-performance inquiétante qui survient après une stagnation de l’économie au dernier trimestre de 2018 et une contraction de 0,2 % au trimestre précédent. Autrement dit, la première économie européenne flirte avec la récession.

Les causes de la panne allemande ? Les conflits commerciaux et la menace du Brexit, qui étouffent l’investissement et le commerce extérieur. Les exportations allemandes ont d’ailleurs reculé de 1,3 % en février.

À domicile, la sécheresse de 2018 a touché l’important secteur de la chimie, et l’entrée en vigueur de nouvelles normes européennes antipollution a mis un frein à l’industrie automobile.

En toile de fond, l’Allemagne est aussi rattrapée par de vieux problèmes : une main-d’œuvre vieillissante et un sous-investissement chronique dans les infrastructures et l’innovation.

Si bien que, la semaine dernière, le FMI a exhorté Berlin à puiser dans sa marge financière considérable et à « en faire plus » pour encourager l’investissement.

En somme, le FMI a lancé un avertissement au gouvernement d’Angela Merkel, qui tente tant bien que mal de résister aux menaces protectionnistes du président américain Donald Trump.

La Grèce et le Portugal ont évidemment des économies plus petites, moins diversifiées et moins prospères que celle de l’Allemagne.

Reste que le renversement des rôles de « gagnants » et « perdants » en Europe, en 2019, est plutôt ironique quand on pense aux leçons économiques, parfois humiliantes, que l’Allemagne avait données à la Grèce il y a quelques années.

Athènes mène les Bourses européennes

Rendement depuis le début 2019 (au 18 avril)

Bourse d’Athènes (indice ASE) + 26,1 %

Bourse de Milan (FTSE-MIB) + 20,7 %

Bourse de Paris (CAC 40) + 17,6 %

Bourse de Francfort (DAX) + 15,1 %

Bourse de Londres (FTSE 100) + 11 %