Chaque année, les bilans que l’on fait des 12 mois passés – et c’est la même chose avec les décennies – sont souvent fortement colorés par l’expérience récente. Mais je ne crois pas que je me trompe si je commence ce regard en arrière et en avant vers l’année et la décennie qui commencent en disant que les années 2010 sont celles où on s’est réveillés face à la crise environnementale et aux injustices vécues par les femmes dans les milieux de travail.

J’aimerais dire que ce fut aussi la décennie où on a réellement pris conscience de la nécessité d’arrêter de parler et de constater, mais bien de commencer à agir pour aider les Premières Nations. Et que ce fut une décennie d’importantes prises de conscience au sujet de la diversité de notre société, diversité créée par une immigration dont nous avons besoin mais qui pose aussi des défis culturels impossibles à ne pas reconnaître.

La dernière décennie fut aussi celle de mille découvertes scientifiques et d’autant d’avancements technologiques. Le rythme de cette marche vers l’avenir ne cesse d’accélérer, souvent pour le mieux. Comme le rappelait le chroniqueur Nicholas Kristof dans le New York Times samedi, 2019 a été une des meilleures années de l’humanité, si on calcule le pourcentage d’enfants morts en bas âge – 4 % en 2019 contre 27 % en 1950 –, d’adultes analphabètes et la présence de maladies horribles présentes dans le monde. 

De plus en plus d’humains ont accès à de l’électricité, à l’eau courante, à l’internet…

On fait quand même du progrès !

Et on pourra en faire plus dans la prochaine décennie, surtout si on choisit de prendre nos nombreux problèmes à bras le corps et de les transformer en quêtes de solutions. Quelques pensées à ce sujet.

L’environnement. C’est probablement la source la plus évidente de pistes pour avoir un impact positif sur l’avenir. L’urgence environnementale nous oblige à être créatifs, à inventer de nouvelles solutions qui ne massacrent pas la planète encore plus. À trouver, entre autres, de nouvelles sources d’énergie renouvelable et inoffensive, pour tout, qui répondent donc autant aux besoins de la plus grande industrie qu’à ceux de notre quotidien individuel. À découvrir, aussi, de nouvelles matières non polluantes, de nouvelles options de transport aussi propres que réalistes. Est-ce que, dans la prochaine décennie, j’aurai enfin mon véhicule tout électrique – ou mû par n’importe quelle autre énergie respectueuse de ma santé et de l’environnement – et accessible ? Vous n’avez pas idée comme j’ai hâte. Je pense que j’ai passé les années 2010 au complet à l’attendre. Est-ce qu’on diminuera notre consommation de jetable, nos emballages inutiles, notre consommation superflue ? Est-ce qu’on comprendra enfin que, très souvent, ce qui n’est pas cher aujourd’hui nous hypothèque pour demain, que ce soit en construction, en agriculture, en énergie, partout ? Durant les années 2020, il faudrait calculer le prix de la réhabilitation de nos terres, malmenées par les produits chimiques et d’autres techniques agricoles, pour comprendre que les plus hauts rendements fournis par l’industrialisation ont un prix dont on a juste remis le paiement à plus tard. En 2020, je nous souhaite aussi d’arrêter de consommer de la « malmode », tous ces habits faits, au rabais, à toute vitesse, qui ne durent pas. Des vêtements qui reprennent souvent les idées d’autres créateurs dont la propriété intellectuelle n’est pas reconnue. Saviez-vous que le vêtement est le secteur le plus polluant après le pétrole ? Dans un avenir très proche, je souhaite aux médias les ressources pour couvrir ces questions et aider le public à prendre conscience de ces réalités. 

Les humains ! Avec le mouvement #metoo, les dernières années nous ont fait prendre conscience de bien des injustices vécues par les femmes dans leurs milieux de travail, mais aussi, du même coup, l’immense potentiel humain gaspillé à cause de situations professionnelles toxiques. Je nous souhaite que les années 2020 permettent aux entreprises, aux institutions, aux organisations, de profiter pleinement de l’amélioration des relations de travail et de la reconnaissance des talents et capacités de tout le monde.

Je souhaite que les grandes entreprises réticentes ou lentes à inclure des femmes et d’autres humains issus de groupes sociaux historiquement sous-représentés au sein de leurs hautes directions – et autres postes de pouvoir – ouvrent leurs portes à tous les savoirs et expériences précieux de ces participants.

Plus d’idées différentes, de références variées, de meilleurs arrimages avec les besoins d’une clientèle variée. Autres champs d’avancement : les dernières années au Québec ont vu deux défis se présenter en parallèle : des pénuries de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs et, en même temps, le besoin de meilleurs efforts d’intégration de ces travailleurs recrutés à l’extérieur de notre carré de sable. Le Québec a besoin d’immigrants et a besoin de bien les accueillir, de leur faire une place et d’être ouvert. Il en va de notre prospérité et de notre richesse. Et pas juste matérielle. J’espère que les années 2020 seront celles où on trouvera des solutions créatives, inclusives et qui donnent tout leur sens au secteur de la gestion des ressources… humaines.

L’intelligence artificielle (et naturelle).

Je nous souhaite en 2020 que l’intelligence artificielle (IA) nous aide à progresser, que le Québec prenne une place de leader dans le développement et la mise en place de ses applications, qu’on gère le tout avec génie pour offrir un champ vaste et libre à la créativité de nos chercheurs et de nos praticiens, en quête des meilleures façons d’améliorer nos vies. Mais je souhaite aussi que l’IA reste entre les mains de gens responsables. Ce ne sont pas les outils qui peuvent déraper par eux-mêmes, mais bien les gens qui les contrôlent. Le développement de ce secteur devra donc se faire dans un carrefour où se croiseront solidement, de façon éthique et juste, le monde des affaires et les institutions démocratiques.

Et parlant de démocratie, vous ai-je dit que je souhaite que les années 2020 soient celles où on trouvera, justement, où on peaufinera, les modèles d’affaires efficaces, fiables, qui permettront aux organisations de presse sérieuses, professionnelles, remparts cruciaux pour la défense de nos choix et de nos libertés à tous, de poursuivre leur travail ? 

On y va ? Êtes-vous prêts ?

Meilleurs vœux à tous.