Mes collègues ne m’ont pas crue quand je leur ai dévoilé ce fait pourtant incontournable : j’adore Canadian Tire.

On discutait des difficultés de Rona, je pense, ou était-ce de la décision du « pneu canadien » de distribuer les produits de la petite entreprise québécoise The Unscented Company, annoncée à Dragon’s Den. Je ne me rappelle plus. En tout cas, c’est sorti tout seul : « Moi, c’est Canadian Tire, ma place. »

Et la conversation s’est arrêtée. Toi ?

Euh, oui.

« T’achètes quoi ? m’a demandé une collègue, probablement convaincue que le lieu était réservé aux acheteurs d’huile à moteur ou de buts de hockey. 

— Une vadrouille, un porte-cellulaire pour l’auto, les Kleenex de marque maison, parce que c’est les seuls qui font des boîtes à rayures… »

J’aurais pu continuer longtemps.

Des produits de nettoyage The Unscented Company justement, mais aussi Mrs. Meyer’s, seule place où j’en trouve et qui sont aussi des produits plus écolo que les marques traditionnelles. Des ampoules, une brosse à neige pour l’auto. Des cadeaux de Noël ! Un chargeur solaire portable et des couteaux de cuisine allemands en rabais malade. Déshumidificateur, poignées de porte, outils de pêche, de camping, bottes de pluie…

Pourquoi là et pas ailleurs ? La variété de produits. La qualité des produits.

De vraies aubaines à attraper une fois de temps en temps – ça m’est arrivé avec des meubles de jardin, par exemple. 

Oui, c’est un grand magasin qui a de quoi me faire déprimer sur l’omniprésence du « fait en Chine » et la surconsommation, et oui, ils ont fait une erreur avec leur pub d’avant Noël encourageant l’achat de sapins artificiels comme alternative écolo – c’est en fait mieux d’acheter naturel –, mais il y a toujours ici et là une préoccupation pour le design et la modernité suffisante pour m’amener vers cette grande surface plus qu’ailleurs.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

« Mes collègues ne m’ont pas crue quand je leur ai dévoilé ce fait pourtant incontournable : j’adore Canadian Tire », écrit notre chroniqueuse.

C’est aussi pourquoi j’aimais bien Target et je fréquente IKEA à l’occasion, alors que vous ne risquiez pas de me croiser chez Sears.

Texto à mon gourou du commerce au détail, Jacques Nantel, longtemps prof à HEC Montréal. « Je rêve ou ils sont vraiment bons, malgré la tourmente ? »

La tourmente qui s’appelle internet et plus précisément Amazon ou Wayfair, et qui frappe tout le commerce de détail en général et les grandes surfaces en particulier. 

« Ils sont excellents. Un des rares détaillants canadiens [hors Québec] à savoir gérer un réseau de propriétaires affiliés. Aussi LE détaillant canadien à avoir compris rapidement comment s’adapter au commerce électronique. Tu ne rêves pas. »

Je savais qu’il me dirait ça.

C’est vrai que tout passe par la gestion serrée des stocks, la souplesse, l’agilité pour l’intervention du côté des ventes en ligne, des choix de prix à propos, collés sur le pouls du zeitgeist, une bonne gestion de marque malgré l’immensité du réseau. 

Mais moi, je reviens toujours à ce qui me fait retourner ou pas dans un commerce : l’expérience. La présence de vendeurs pour nous aider, des produits pas déprimants, voire tripants, à bons prix.

Appel chez Canadian Tire. « Vous pouvez m’expliquer ? »

On m’a répondu d’aller voir une vidéo de l’entreprise où différents patrons expliquent comment le commerce en ligne est important pour Canadian Tire, comment la présence en ligne est importante pour l’entreprise, car c’est souvent là que commence le shopping, avant la visite en magasin. Comment bien faire les choses est important pour l’entreprise. Zzzzzzzz…

Bref, je n’ai pas appris grand-chose. 

J’aurais voulu notamment parler avec quelqu’un de la marque privée Frank, avec son approche humoristique – « assez fort pour affronter vos éternuements les plus puissants », écrit-on, par exemple, sur l’emballage de ma boîte de mouchoirs. Quand j’ai vu ça la première fois, ça m’a fait penser aux premières années et aux premiers succès de la marque privée Le Choix du président, où l’on s’adressait directement aux consommateurs, sur l’emballage, en leur racontant une histoire. 

Une marque privée chouette, n’est-ce pas la meilleure façon de créer de la loyauté ? J’aurais aimé en jaser… 

***

Au début de décembre, le détaillant canadien a été la cible d’un rapport très critique de la part de Ben Axler, fondateur et chef des investissements chez Spruce Point Capital. Axler est un vendeur à découvert qui cherche les entreprises selon lui surévaluées pour les exposer et ensuite tirer profit d’une baisse du prix des actions. L’an dernier, il a fait la même chose avec Dollarama. 

Dans son rapport, il reproche plusieurs choses à Canadian Tire, notamment le niveau d’endettement, des coûts de fonctionnement trop élevés à réduire, mais aussi des prix pas assez concurrentiels comparés aux Walmart et compagnie, et des frais de livraison pour la vente en ligne qui décourageraient les milléniaux. Et puis, en plus, on dit que Canadian Tire n’est pas assez présent sur les réseaux sociaux, pas assez dans le coup avec les jeunes. 

Peut-être.

Sauf que Canadian Tire réussit à aller chercher la milléniale en moi avec ses produits de ménage écolos, son terreau d’empotage biologique et ses manteaux de chasse de camouflage. Et mes amis qui font de la rénovation et ceux qui réparent eux-mêmes leurs autos… On est une bande joyeusement hétéroclite. 

Des fois, j’ai envie de demander aux gens dans leur tour d’ivoire de Wall Street et de Bay Street : allez-vous magasiner des fois ? Est-ce vous qui achetez les essuie-tout, le savon à vaisselle et le lave-glace à la maison ? 

En tout cas, les balais à neige sont dans la rangée 15.